Nuits Surréelles - 2 – Voyage à l’emploi
Voyage à l’emploi
J’essaie de me rendre à mon job et je
viens de sortir de la station de métro Lucien-L’Allier. Avec ma correspondance,
j’embarque dans l’autobus la ligne 37-Est, et j’en sors après 8 arrêts ce qui
est pour moi une totalité de 15 minutes. Sur le trottoir, je regarde en
direction de la rue et du trafic advenant, tout en apercevant un taxi Hochelaga
et je me mets à le héler. La voiture ou le taxi s’approche de moi en sourdine,
en ayant toutes les autres autos tournoyant autour de lui dans le flux de la
circulation. J’embarque et j’assigne l’adresse de l’entreprise à mon
chauffeur : « 3200 rue St-Ludget ». Le chauffeur ou le cabbie hoche laconiquement de la tête,
blasé du trafic montréalais et de ses tâches routinières. Nous faisons 30
minutes de trajet, ce qui nous fait un montant bien sûr exorbitant et je le
paie. Je sors du taxi.
Je me retrouve dans le terrain vague d’un
parc industriel et je marche instinctivement au centre du terrain et on
aperçoit un panneau réclame avec la mention « Terrain à Louer.
Services Immobiliers Fecteau, appelez au 1-900-444-44XX ». Des usines, non loin
d’où ce que je me trouve, sont abandonnées, ainsi que les immeubles commerciaux
pour des bureaux, restaurants et j’en passe.
Je me couvre les yeux de la main droite et
je me retrouve comme téléporté à la plage en plein été, quand j’enlève la main
du visage. Sur la plage, c’est définitivement l’été avec une journée radieuse.
Selon toute apparence, on aurait dit une plage californienne ou une plage
quelque part aux États-Unis sur la côte Ouest, mais il n’y a personne sur la
plage. Il n’y a que moi. Même sur la plage, je suis habillé pour le bureau et
l’hiver en plus ! Je ressens un profond malaise. Finalement, j’entends une
voix :
« Ah! Maxime!, et je me retourne afin
d’observer un homme dans la quarantaine presque, assis à son bureau sur le
sable de la plage avec l’horloge aiguille et la patère à manteaux trônant au
côté droit du large bureau. Je m’approche curieusement de l’homme, sans avoir
de crainte véritablement. Je ne connaissais pas l’homme et ce dernier se
voulait très familier. J’espère seulement qu’il ne soit pas trop familier ou
convivial à l’excès, ce serait quelque peu gênant. Vous n’avez pas eu de
difficulté à trouver
l’endroit
?
- Non, non. Je ne penserais pas, fis-je,
en m’assoyant sur la chaise de bureau faisant face à lui.
- Bon. Bon. Eh bien j’ai lu votre C.V,
répondit-il.
- Ah okay.
- Et malheureusement, vos qualifications
et votre expérience ne répondent aux exigences du poste, fit le bonhomme au ton
grave et las, comme un procureur sermonnant au juge d’assises, complètement
désintéressé de l’harangue.
- Ah non ? Pour être concierge, je ne
corresponds pas ? fis-je incrédule.
- C’est cela, non.
- Rien que pour être le concierge ?
interrogeais-je.
- Non. Je suis vraiment désolé et c’est la
décision de notre comité. Je n’y peux rien.»
Je me lève de la chaise et je reprends mon
C.V. de ses mains, en lui tournant le dos. Je fais quelques pas sur la plage et
soudain, je me retrouve dans le terrain vague à Montréal, en retrouvant la
température et le climat gris de nos hivers implacables.
Je retrouve au même moment une vache
errante d’un blanc immaculé de sa peau et de son pelage, comme une vache sacrée
indienne. Une jeune fille blonde dans la vingtaine toute souriante en robe
blanche comme une toge, marche discrètement derrière l’animal de couleur
angélique. La fille ne me regarde pas, et elle semble absorbée dans ses
pensées. Finalement, elle lève la tête dans ma direction et m’observe d’une
curiosité à peine cachée. Son visage est glacial, neutre, indifférent et son
regard, un couperet. De crainte, je détourne le regard. En voulant revenir sur
elle d’un coup d’œil, elle n’est plus, tout autant que la bête de somme.
« N’importe qui gérant une entreprise
dans cette ville, semble être un idiot fini.» : ronchonnais-je dans mon
for intérieur. Je sors mon cellulaire portable de ma poche et j’appelle un
autre taxi. Je donne l’adresse à l’opérateur et vers deux ou trois minutes, je
perçois un autre taxi Hochelaga. Je hèle de la main en sa direction et il
s’arrête. Je monte à bord et je lui donne l’adresse de la maison.
Arrivant chez-moi, j’ôte mes grosses
bottes d’hiver de style Wellington. Je me prépare une grosse casserole de
spaghetti au sauce tomate, essuyant « l’orageuse » défaite dans la
relaxation. Je m’étends sur le canapé de l’énorme salon.
Je me réveille dans mon lit avec
irritation. J’ai un profond mal de tête. Je me lève pour la salle de bains,
afin de me prendre deux comprimés d’Advil de la pharmacie.