Une histoire de Noël


Nous sommes au Pôle Nord, dans la grande immensité de l’Arctique. Le Père Noël, le gros vieillard que nous connaissons toujours depuis si longtemps, est assis sur une banquise, perdu dans la pleine grandeur de cet hiver blanc. Le Père Noël semble songeur, méditatif et déprimé, tandis que ses jambes et ses bottes noires balancent sur de la glace épaisse, celle d’un étang bien rond.

Clovis, l’un des lutins du Père Noël et Magnus, le chef ouvrier de tous les lutins sont à la recherche du Père Noël. Magnus est plus grand que Clovis, et il semble trôner au-dessus de lui. Magnus semble plutôt un adolescent, qu’un jeune garçon. Non loin derrière eux, il y a Corlatine, la seule fille lutin de tout le village, habillée chaudement d’un long manteau de rouge bourgogne, et qui poursuit Magnus et Clovis à la trace.


CORLATINE : Non mais, attendez-moi !

Clovis se retourne et constate Corlatine derrière, courant de vive allure vers eux.

CLOVIS : Ah, Corla ! Ça ne te regarde pas. Retourne donc au village, pendant que moi et Magnus, on se met aux trousses du Père Noël.

Corlatine dans son impatience, insista encore :

CORLATINE(rouspétant): Ah non alors ! Surtout pas ! Je peux bien être à sa recherche autant que vous, d’ailleurs !

Clovis se tourne vers Magnus et le regarde pour qu’il puisse trouver un argument quelconque, pour la convaincre de retourner au village, sans trop discuter. Clovis, communiquait avec son regard, que Corlatine ne pouvait point les suivre.

MAGNUS(en regardant Corlatine): D’accord, tu peux nous suivre. Cependant, tu vas rester très proche de nous. Ne t’écarte pas d’un poil.
CORLATINE : Bien non, c’est sûr ! Évidemment.
CLOVIS : Fais pas de bruit !
CORLATINE : Okay, on se calme le diadème avec les ordres..
CLOVIS(ton paternaliste) : Ben là chère, on dit ça pour ta protection.

Corlatine observe Clovis et Magnus, tour à tour. Magnus lui confirme « non » d’un signe de la tête. Corlatine se retourne vers Clovis pour le dévisager.

CLOVIS(regardant les deux) : Quoi ?

Soudain, quelque chose saisit leur attention, ils entendirent quelqu’un lancer des cailloux blancs et noirs sur la glace épaisse de l’étang.

MAGNUS : Bon… Je m’en doutais… (à Clovis et Corlatine) Bon, amenez-vous ! En silence !
CLOVIS : Ah, il est là finalement !
MAGNUS(irrité) : Il est toujours là ! C’est un homme d’habitudes, le Père Noël.
CLOVIS : Ben non ! Pas tout le temps. Des fois, il est à côté des grosses chutes de glace. Je ne sais pas, qu’est-ce qu’il peut bien faire là.

Les lutins s’approchent du Père Noël, qui semble beaucoup plus désemparé qu’à son habitude. Clovis et Magnus sont à sa gauche, tandis que Corlatine reste à sa droite.

LE PÈRE NOËL : Ah ! Mes enfants, vous voilà !
MAGNUS(souriant) : Diantre vert, une chance que l’on vous retrouve. Le traîneau est finalement tout prêt pour votre grande course annuelle, à travers le monde.
LE PÈRE NOËL : Bien oui, évidemment… Comme depuis le commencement de mon temps, mais mes enfants, j’ai fait de profondes réflexions sur la nature propre de nos jouets et de nos cadeaux.
CLOVIS(interloqué) : Ah oui… Puis c’est quoi ?
LE PÈRE NOËL : Nous ne devrions plus fabriquer et distribuer des fusils-jouet, et des carabines-jouets aux enfants au soir de Noël, parce que je ne veux pas leur donner la moindre notion de violence entre eux, même pour leur très jeune âge.

Les lutins restent cois et muets d’étonnement. Ils semblent plongés dans un profond malaise. Corlatine baisse la tête et a les yeux vitreux. Mais elle se retient de pleurer. Clovis essaie de briser le silence.

CLOVIS : Est-ce que c’est à cause d’un événement récent ?

Magnus le regarde.

MAGNUS : Euh oui, et on va taire son nom à tout jamais.
CLOVIS (au Père Noël) : J’ai strictement rien contre, parce qu’après tout c’est aussi vous le patron, mais… Mais, est-ce que ça veut dire que l’on ne distribue plus de Xbox 360, parce que les mômes jouent à des jeux violents ?
CORLATINE : Bien, justement. On n’aura pas à distribuer durant Noël des jeux violents pour des consoles. Nous, les jeux, que l’on distribuera, seront éducatifs et enrichissants.
CLOVIS (très approuvant) : Ah oui ! Mais il faut tout de même fabriquer les consoles.
CORLATINE : Bien sûr..
MAGNUS : En ce moment, on a une étroite pénurie de lutins – ingénieurs informatique pour construire les consoles. Il va falloir que l’on se contente de faire des jouets en bois.
CORLATINE (déçue) : Ah merdouille !

Un silence.

CLOVIS (à Magnus) : Ce n’était pas réglé ça ? (Une pause) Je pensais que oui, diantre bleu.
MAGNUS : Ben non !
CLOVIS : Bon tant mieux, ça va nous donner moins de travail à faire.

Le Père Noël dévisage Clovis d’un air grondeur.

LE PÈRE NOËL : Clovis !
CLOVIS : Ben quoi ! J’adore travailler avec vous Père Noël, mais moi je ne m’occupe pas comme un castor surmené. J’ai mes limites !
LE PÈRE NOËL : Ah ! T’as peut-être raison.
CLOVIS : Tant mieux. (À Corlatine) Mais rien qu’une affaire, on ne distribue pas de jeux violents, d’accord. Mais si les parents achètent aux enfants des jeux violents, qu’est-ce que l’on fout ?
CORLATINE : On s’en contre-balance évidemment. C’est le problème des parents, s’ils sont assez cons d’acheter des jeux violents pour leurs enfants.

Clovis et Magnus firent un signe affirmatif de la tête. Alors, le consensus gagna tout le monde. Le Père Noël se leva de la banquise.

CLOVIS : Juste une dernière affaire, Père Noël !
LE PÈRE NOEL : Bon, vas-y mon petit.
CLOVIS : Une bonne affaire que vous ne distribuez plus de carabines à plomb, parce que l’on peut vraiment se tuer avec ça.
LE PÈRE NOEL : Je le sais, Clovis. Mais comment sais-tu cela ?
CLOVIS : Demandez à Corlatine. (et il la pointe du doigt) Mauvais incident.

Corlatine lui fait des grands yeux de colère, et mime de la bouche : « la ferme ».

CORLATINE (se voulant rassurante): Nullement vrai. Il déconne. (récriminante au Père Noël) Il déconne trop vraiment.

Corlatine tourne son regard vers Clovis d’un sourire moqueur.

CLOVIS (ironique) : Oui, t’as pas besoin de carabine à plomb, juste un cheval en bois dans tes mains, c’est une arme de destruction massive. (au Père Noël) Pas une blague, elle me balance à la figure, les jouets qu’elle fabrique. J’en ai des grosses marques.

Corlatine est sous le choc, et reste bouche bée.

CORLATINE (indignée): Hoooonnn ! Je n’en reviens pas !

Le Père Noël fixa Corlatine, d’un air paternel déçu et grondeur.

LE PÈRE NOËL(très sévère) : Est-ce vrai, Corlatine ?
CORLATINE : Bien le cheval de bois, oui c’est vrai. Mais c’était juste une fois !

Le Père Noël se pencha vers elle et la gronda de l’index.

LE PÈRE NOËL(sérieux et paternaliste) : Apprends à te maîtriser ! Sinon, je te prive de cacao et de fabrication de jouets durant cent jours, et tu t’occuperas uniquement de l’écurie des rennes.

Corlatine baisse les yeux.

CORLATINE (soumise): D’accord, Père Noël.. (Tout d’un coup, elle se réveille) Pour une raison que j’ignore encore, j’ai une allergie virulente face au fumier et aux poils de rennes. Je ne devrais pas m’occuper des écuries.

Le père Noël regarde Corlatine avec scepticisme.

LE PÈRE NOËL : Ah oui ?
CORLATINE : Bien oui, on ne déconne pas avec ces choses là quand même.
LE PÈRE NOËL : Va voir le médecin du village.
CORLATINE : Bon d’accord. Mais je suis aussi allergique à la paille et au foin, alors.
LE PÈRE NOËL : Ça va !

Magnus s’énerve finalement de la grande discussion en famille. Il est visiblement écœuré d’être dehors à -50 dans la nuit.


MAGNUS (dans son impatience) : Est-ce que l’on peut rentrer s.v.p ?
LE PÈRE NOËL : Oui, on y va. On y va.

Les lutins et le Père Noël se dirigent au village. Magnus et Clovis discutent encore.

CLOVIS : Est-ce que l’on met au courant la Mère Noël de ce que le Père Noël envisage de faire.
MAGNUS : Vraiment là… La Mère Noël n’a pas besoin de tout savoir. S’il faut qu’elle le sache, ce sera notre patron qui va le lui dire. Puis, les nouvelles passent presque tout le temps mal, quand elles proviennent de moi.
CLOVIS : Okay. Je voulais juste savoir.

Au cours de leur chemin, les lutins font la rencontre de Gwendoline, la fée des étoiles qui se matérialise sous leurs yeux, dans un nuage vaporeux de frimas et de lumière.

GWEN : Quel est donc ce fervent débat que vous avez ?
CLOVIS : Ah, un détail ! Le père Noël ne veut plus donner comme cadeaux des fusils-jouets, ou bien n’importe quoi qui fait penser à une arme.

Magnus réfléchit.

MAGNUS(en réflexion) : Bof… Même quand j’y pense, un bat de baseball peut faire vraiment mal, surtout quand les enfants sont très fous ou très cons.. En fait, tous les articles de sport au monde peuvent contribuer à nous rendre quadraplégique.
CLOVIS(hochant de la tête) : Ouais, même quand j’y pense, ils peuvent se tuer avec les outils de leur père : un fusil à clous, par exemple. Oui, un enfant, ça fait des erreurs graves, il s’amuse avec ce qu’il ne connaît pas, et vlan ! Il embroche son petit frère ou sa petite sœur, le coup partant tout seul. C’est très con, mais c’est ça un môme. (Reprend son souffle) Une chance que ça fait longtemps que l’on ne donne plus des gros outils, parce qu’après tout, on n’est pas dans la construction. On est dans les jouets.
GWEN (faisant une moue pitoyable de désagrément) : Ah! C’est intéressant, et c’est quoi sa décision finale ?
MAGNUS : Bien il ne veut plus donner de fusils comme jouets, parce qu’il ne veut pas insuffler aux autres, selon son expression : « la notion de la violence et du meurtre ». Mais là, on est capable de prouver que Corlatine est potentiellement dangereuse avec tout ce qu’elle peut avoir sous la main, si elle est d’une humeur farouche.
GWEN (ton sévère et maternel) : Oh oui, je le sais. Cette petite Corlatine devra apprendre à dompter son tempérament difficile.
MAGNUS : Mais je sais quoi faire pour la calmer, et ça fonctionne avec presque toutes les femmes lutins, la musique Soul et R & B, plus particulièrement la chanson Love Machine des Miracles. (Une pause) C’est une chanson qui a souvent marché avec mes ex-copines pour les calmer, et non pas seulement pour les « mettre dans l’ambiance », si vous voyez ce que je veux dire.
GWEN(ricaneuse) : Oh oui ! Épargnez-moi les petits détails, Magnus.

Gwendoline fait une moue de ses lèvres.

GWEN : Bon je vous quitte !
MAGNUS et CLOVIS : Okay. Joyeux noël Gwen !

Gwendoline disparait, en se dématérialisant dans une bourrasque de frimas et de flocons, tel un fantôme.

Ils continuent leur route au village. Les lutins rentrent à la maison.


La Mère Noël accueille le Père Noël à sa demeure, une villa faite de bouleaux et de colombage. Elle lui enlève son long manteau rouge écarlate et ses grandes bottes noires. Il prit quelques rôties et des tasses gigantesques de chocolat chaud, assis à la table de la cuisine. Chaque tasse de chocolat chaud avait les dimensions d’un baril. Il saisit la liste des enfants dans le monde, un grand grimoire rouge d’une incroyable épaisseur. Il commence à le feuilleter, vérifiant scrupuleusement chaque nom des enfants plutôt deux fois qu’une, en les lisant au travers de ses petites lunettes rondes aux branches dorées.


Il se prépare pour son envol de la distribution. Au centre de la place publique du village, les lutins sortirent les huit rennes, et les attelèrent au large traineau, dont le sac magique dans son ampleur franchissait huit mètres de hauteur. L’un des lutins est venu cueillir le fameux renne au nez rouge, Rudolph, pour le trôner à l’avant de l’attelage. Tous les rennes flottaient en sautillant, préparés comme jamais à la longue course mondiale. Le sac de cadeaux repose fermement dans la grande luge, sans bouger d’un cheveu de l’arrière du grand traîneau. Le Père Noël arbore pour cette occasion, son long manteau classique, d’un rouge chaud et vibrant, qui le protège de tout : le feu, la pluie, le vent, la neige, le froid et le frimas.

Il monte dans le traîneau, agrippant dans ses grandes mains gantées les guides des rennes, et se prépare pour le grand moment. Il s’attache au siège de sa luge, à l’aide d’un immense harnais de sécurité. Les lutins s’écartent avec précaution du grand traîneau et lui signalent son départ pour décoller.

Le signal de décollage est finalement lancé. Le Père Noël lâche son ordre de décollage aux rennes dans un seul énoncé impérial.


LE PÈRE NOËL (impératif) : Hue Tornade, Danseur, Furie, Fringant, Comète, Cupidon, Éclair, Tonnerre et Rudolph !

Les rennes font léviter dans leur seule force titanesque, la charge insoutenable du traîneau, et rapidement, ils enclenchent une trajectoire et regagnent les cieux d’un bleu opalin. Au moindre contact des larges cumulus, le nez rouge de Rudolph s’illumine aussi naturellement, que son souffle. Son nez s’illumine comme une seconde nature.

Dans sa grande escapade du soir, l’énorme traîne sauvage courut dans son vol, grimpant de plus belle en altitude, le firmament noir et violacé, et excédant la vitesse supersonique d’une Concorde, franchissant une vitesse qui surpasse celle de la lumière. Le traîneau quitte le grand village et le Pôle Nord, où le long rire du Père Noël se fait entendre dans sa course vertigineuse.


LE PÈRE NOËL(jovial) : HO ! HO ! HO ! Joyeux Noël à tous, et à tout le monde, une nuit féérique dans la paix, l’amour et l’harmonie !


FIN

- Le 25 déc 2012
       

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