Phil, Bob et Rick – Épisode 3 – Une Matricule 827 (Fiction)


Bob, notre irréductible citoyen de la cinquantaine, déambule dans un quartier ouvrier de Terrebonne, en plein soir. L’heure approche Minuit. Il le constate de sa montre digitale de son IPhone 5, dernier cri de la technologie. Bob arrive du dépanneur et transporte dans son long sac en papier, sa grande bière Heineken d’un litre et demi, ainsi que sa bouteille de vin Notre Vin Hutte. En succombant péniblement à sa soif d’alcoolique, il décide d’ouvrir sa bière Heineken et il en prend une longue lampée.

Non loin de là, une auto-patrouille, la numéro 58, de la police de Terrebonne le suit en catimini. Deux policières dans l’habitacle du véhicule hochent mutuellement la tête. L’auto-patrouille actionne légèrement la sirène, suffisamment pour attirer l’attention de Bob. Au même moment, une policière aux cheveux longs en queue de cheval, la matricule 827 sort de l’auto en venant à la rencontre de Bob. C’est une très belle brune, une beauté froide tout comme sa co-équipière dans le véhicule. En marchant, elle braque sa torche Mag-lite sur lui.


BOB(à lui-même) : Bon… Crisse…
La 827 : Auriez-vous une idée de la raison que je vous interpelle ?
BOB : Non, mais c’est pas grave toujours ?

Bob ne remarque en rien le numéro du matricule, mais il voit simplement le nom gravé en blanc sur une plaquette de plastique en émail bleu : « Lte. G.Arseneault». La matricule, quant à elle, est écrite en chiffres dorées sur l’épaulette droite, qui n’est pas visible du point de vue de Bob.

La 827 : La raison, monsieur, est que c’est une violation de consommer des alcools de toutes sortes sur la voie publique. Puis-je voir votre permis de conduire ?
BOB : Bon d’accord.

Bob se décide d’obéir, n’ayant pas à cœur de faire son petit malin insolent comme de coutume. Il ouvre son portefeuille et en sort son permis et son certificat d’immatriculation.

La 827 : Pas nécessaire l’autre.

Elle empoigne seulement le permis de Bob.

La 827 : Veuillez me suivre jusqu’à l’auto-patrouille, je vous prie.

À la voiture, la 827 transmet le permis de Bob à sa collègue dans la voiture.

La 827(ton haut et ferme) : Restez très proche de moi. Si vous bougez d’un centimètre de ce capot..

Et elle pointe le capot de la voiture de son index.

La 827(enchaînant) : des nouvelles accusations seront portées contre vous pour délit de fuite. Vous me saisissez ?

À la question, la 827 regarda glacialement Bob dans le blanc des yeux.

BOB : Oui, limpide même…. (paniqué) Ça vient pas avec une encolure toujours ?
La 827 : Ben non ! (Elle le fixe bizarrement) Pourquoi une encolure ?
BOB : Rien. Juste pour savoir.
La 827 : Ben admettons que si tu veux sauter sur moi, tu vas avoir du fun.
BOB(nonchalant) : Ah non ! Moi, le BDSM et les jeux de rôle, c’est pas trop mon truc, avec la police surtout. Même la position du «dominé», pschht ! Je me suis déjà costumé en Robin tsé, pour mon ex une fois, et j’étais sur la limite.
La 827(ton sec) : Too Much Information !
BOB : Good…good..okay…

Bob sourit jaune. La 827 lui lance un regard amusé.

La 827 : Est-ce que vous habitez quelque part dans ce quartier-ci ?
BOB : Oui, à deux pâtés de maison.
La 827 : Hmm.
BOB : Heu je peux vous poser quelque chose ?
La 827 : (elle soupire)Bien sûr.
BOB : C’est horrible ce qui se passe à Montréal, la police et le public. Ne trouvez-vous pas ?

La matricule 827 fait une moue lasse et affligée, en haussant lourdement les épaules. Elle refuse de regarder Bob en plein visage et regarde le fond de l’auto-patrouille, fixant sa collègue pour qu’elle se dépêche.

La 827 : Honnêtement, je n’ai pas d’opinions. C’est présentement de la marde, mais c’est ça. Je n’ai jamais eu le goût de visiter Montréal en dehors de mes fonctions, et suite à la grosse crise étudiante de marde, je ne vais jamais l’éprouver non plus. J’ai juste le goût de visiter Old Orchard aux States, pour la sainte paix… Ça se résume à ça.

Bob regrette un peu d’être curieux, parce que probablement sa réponse ressemblait largement à son propre jugement.
BOB : Okay, good…

Ils sont encore debout près du véhicule durant 7 minutes, jusqu’à ce que la 827 lui fasse signer sa contravention de 213,00 $ pour consommation d’alcool sur la voie publique.

La 827 : Pis c’est ça qui est ça. Bref, bon retour chez-vous, monsieur Bob Roberge. Et on s’abstiendra de boire dorénavant.

L’agente 827 lui tend sa contravention et son permis, tout en préservant la copie carbone.

Elle embarque dans l’auto-patrouille et la voiture file avec douceur. Subitement, à mi-chemin du parcours, la voiture policière actionne les gyrophares et la sirène et démarre à toute vitesse, en tournant violemment le coin d’une rue.

BOB : Peut-être un Couche-Tard qui se fait dérober.

Bob continue sa route, jusqu’à son domicile. Il déverrouille et ouvre sa porte d’entrée. Tout d’un coup, la même auto-patrouille, voiture 58 qui lui a remis une contravention se stationne devant chez-lui en freinant durement.


Les policières arrivent en trombe, tout en dégainant leur arme de poing et dans leur course, elles pointent le canon vers le haut dans une position alerte. Elles tiennent fermement l’arme des deux mains. La 827 reconnaît Bob, et lui héla de la main de se pousser du chemin.
La 827(vociférant) : Monsieur Roberge, DÉGAGEZ !

Sans faire ni un ni deux, il obtempère et en manquant d’équilibre, il chute sur son séant, avec son alcool qui se fracasse sur le perron.


BOB(éberlué) : Calvaire… De cawliss… Qu’est-cé qui se passe ?

La 827 et l’autre policière, la 236 entrent dans l’immeuble. Sur l’escalier menant à l’appartement supérieur, un homme dans la quarantaine tient une femme en otage, en l’agrippant fermement au cou et en tenant une arme blanche qui est un long couteau de chasse, près de la nuque. Il tient la femme dans une accolade étreinte, mettant tout son poids sur le cou de la femme. Ils sont dans l’entrebâillement de la porte d’entrée.

L’HOMME (hurlant) : Ne tirez pas, câlique !
La 827(calme et froide) : Charles, dépose par terre le couteau d’abord.
La 236(en s’avançant) : Tu contrôles rien ! Lâche ton arme et elle ! Tout en sortant calmement.

Charles reste bouché et pénètre rapidement dans la demeure.

La 827(criant à plein poumons) : Non !
La 236 : Maintenant !
LA FEMME(criant en pleurs) : Arrrghht !

La fusillade éclate. Un souffle, le sacage, la souffrance aveugle et le silence ; les policières déchargent leur arme de service dans les jambes et l’abdomen de l’homme. Il laisse tomber son arme et n’émet qu’un long râle guttural et étouffé. Elles cessent le feu sur lui. Il déboule dans l’escalier jusqu'au bas dans un fracas de violence, tandis que la femme se délivre de son étreinte. Son corps devient inerte au sol, en meuglant toujours de douleur.

Durant tout l’incendie, Bob est au dehors en califourchon comme un opossum, tout en recouvrant sa tête des deux mains. Tout l’événement s’est produit en 60 secondes.


Deux ambulances arrivent sur les lieux du crime. Les ambulanciers d’Urgence Santé transportent la dépouille de Charles Fortier, dans un sac de coroner sur une civière jusqu’à l’ambulance. Ils referment les portes. Une ambulancière s’approche de Bob, assis encore sur le perron.


AMBULANCIÈRE : Êtes-vous un témoin ?

Un silence. Bob ne répondit rien, tout en se contentant de fixer.

AMBULANCIÈRE : Bon bien monsieur, on va vous déplacer pour vous asseoir sur le parterre, parce que vous êtes dans les jambes de tout le monde, ou vous allez l’être.
BOB : Je suis capable de marcher, crime.

Bob se lève très vite sous l’adrénaline et descend les escaliers. Il éprouve des difficultés pour descendre au bas des marches, puisque ses jambes sont devenues de la guenille mouillée depuis l’incident. Il s’assoit sur le banc de moellons qui sert pour une devanture de jardin, retenant la terre noire. L’ambulancière lui passe une grande couverte grise par-dessus les épaules.
BOB(murmurrant) : Merci.

D’autres auto-patrouilles, soit une dizaine, se sont garés devant l’immeuble de Bob. L’inspecteur Alan Simard sort de l’auto-patrouille et se prépare à entrer dans l’immeuble et constate Bob, déboussolé, encore assis sur son séant, le dos dans le vide reposant sur rien.

INSP. SIMARD (inquisiteur) : Habitez-vous ici ?

BOB(dépassé par les événements) : Calvaire… V’oui. Faut bien crime.

Bob se met à frissonner. L’inspecteur Simard interpelle l’agente 236.

INSP. SIMARD (à la matricule 236) : Comment il a fait pour se retrouver là lui ? (et il pointe Bob du doigt)
La 236 : Il arrivait chez-lui, puis on a fait la descente sous ses yeux, alors.
INSP. SIMARD : Ah bon.

L’inspecteur Simard regarde Bob et son visage devint plus compréhensif.

INSP. SIMARD (sympathique) : La nuit a été raide pour vous ?

L’inspecteur Simard esquissa un sourire.

BOB (Sous le choc, mais calme) : Au début non. Ironiquement, les policières sont les mêmes qui m’ont donné une contravention pour boire sur la rue.

L’inspecteur Simard fixe par la suite les deux agentes pour confirmer son discours, et l’agente 236 fit un signe affirmatif.

INSP.SIMARD (examinant Bob) : Bon, passez lui une couverte. Gardez le assis jusqu’à ce qu’une ambulance le transporte dans un hôpital, quelconque. Il vient de subir un choc nerveux plutôt lourd.

L’agente se retourne vers Bob.

La 236 (conciliante) : Voulez-vous quelque chose d’autre, à part une couverte ?

Bob est trop étonné du ton nouveau amical de la policière.

BOB(incrédule) : Oh ! Je suis trop correcte ! Au top ! Non. Juste non… Vraiment non. De vous deux, vraiment rien… Sérieusement.

La femme qui a servit d’otage à Charles Fortier pendant un bref instant, se fait dire de s’asseoir à côté de Bob, par la matricule 827. Bob reste un peu récalcitrant.


La 827 (pointant Bob de sa matraque) : Mettez-vous à côté de Monsieur Roberge, juste là.
BOB : Ben là.
La 827(interloquée) : Ben là quoi ?
BOB : Oh, rien… rien… Juste rien. Comme toujours.

Bob fixe en avant de lui. La 827 continue à le dévisager. La femme s’assoit à côté de lui en définitif, et la policière 827 les quitte en établissant son rapport avec l’inspecteur Simard.

LA FEMME : Faites-moi une p’tite place non ?

Bob s’écarte d’un pied vers la droite, et la femme s’écrase comme un poids mort sur le banc de moellons.


LA FEMME(à fleur de peau) : Échappée belle…
BOB : Ça de l’air à ça. Mais là t’es icitte. Avec moi

La femme se tourne pour le regarder en face.

LA FEMME : Je vous ai jamais vu non plus dans ce boutte-ci.
BOB : Ça se peut, je ne suis pas trop sorteux. Bien beaucoup moins maintenant, apparemment.

Elle lui sourit.

LA FEMME : C’est quoi votre nom déjà ?
BOB : Robert Érasme Barthélémy Roberge, mais c’est Bob pour les amis. Puis vous c’est quoi votre petit nom ?
LA FEMME : Yousra.
BOB : Yousra ? (devenant songeur)Yousra… Assez particulier comme nom, c’est de quelle origine ?
YOUSRA: Arabe. l’Égypte.
BOB (sourire fendant) : Au moins, ça fait changement des petits noms plates et francophones pour les noms de filles, comme Julie, Josée, Michèle ,Véronique, Louise et tout le reste. On développe l’impression que tout le monde se nomme pareil ces temps-ci, sans imagination, un peu comme si leurs parents étaient des esties de robots.
YOUSRA : Vous n’avez pas tort, non…
BOB : Eh, non… Est-ce que vous le connaissiez ce gros cave là auparavant ?
YOUSRA : Moi, je ne le connaissais pas non.
BOB : Ah, alors il envahissait votre domicile de même.
YOUSRA : C’est ça. Exactement.
BOB : Comment ça se fait que la police était si prompte que ça ?
YOUSRA : Ça durait une vingtaine de minutes où il criait pour réveiller les morts. Les murs et les planchers sont minces comme du papier, on entend tout trop facilement. Mon voisin du rez-de-chaussée a contacté la police, parce qu’il connaissait aussi mon numéro et nous sommes de bons amis.
BOB : Ah ! Ils ont retracé après.
YOUSRA : Pas besoin, il a dit mon adresse.
BOB : Le malade ne vous a pas brutalisé, j’espère.
YOUSRA : Ben non, il était plutôt un «un chien qui jappe fort sans mordre ».

L’inspecteur Simard écoutait quelque peu la conversation de loin entre Bob et Yousra, et finalement il s’approche d’eux.

INSP. SIMARD (à Yousra) : Êtes-vous bien sûr de cela ? Pourquoi il serait venu à votre domicile en premier lieu, selon vous ?
YOUSRA : Je pourrais mettre Montréal dans l’Atlantique, à force d’hypothèses, monsieur l’agent.
INSP. SIMARD : Oui, mais une idée quand même ?
YOUSRA : Peut-être qu’il connaissait un ami ou une connaissance, qui avait passé un tour chez moi, je possède leurs coordonnées si vous voulez les avoir.
INSP. SIMARD : Oui, si vous le voulez bien Madame Parenteau.

Yousra se lève et marche avec l’inspecteur Simard, remontant l’escalier pour s’introduire dans l’immeuble à appartements, laissant Bob dans le froid.
BOB(à lui-même en marmonnant) : Yousra Parenteau. Ça fait « exotique local » un p’tit peu.
La 827(convivial) : Ça va mieux maintenant ! (Elle lui sourit)
BOB : M’oui, je peux retourner chez-moi, là ?
La 827 : Heu une seconde.

La 827 interpelle l’inspecteur Simard. Rendue tard dans la nuit, il ne reste que deux auto-patrouilles, et une ambulance. L’inspecteur Simard vient à sa rencontre.

INSP. SIMARD : Désolé pour l’inconvénient, mais il va falloir que vous passiez la nuit chez l’un de vos proches. Une équipe de chargés de laboratoire va travailler toute la nuit pour prendre des prélèvements d’indice, et des échantillons en compagnie des enquêteurs. L’escalier et le perron sont devenus des scènes de crime. L’équipe va venir dans une quinzaine de minutes. Et si vous habitez à l’appartement du milieu, on ne veut pas avoir des présences parasites, nuisibles aux preuves. Vous comprenez.

BOB(contrarié) : Ouais…Okay, m’as essayé de vivre chez mon ex.

L’inspecteur et la 827 le quittent, tandis que Bob téléphone à son ex, à l’aide de son IPhone.

BOB : Allô Arlette, c’est Bob… Je t’appelle pour te demander un service. Est-ce que je peux passer la nuite chez toi…. Juste la nuite… Oui, rien que la nuite…. C’est trop long à expliquer, puis je suis trop exténué pour… Je vais te raconter ça au matin…Oui, le divan ne me dérange pas… Soit que c’est toi ou je me cherche une chambre de motel minable, puis il y a en plein à Terrebonne. (Il pouffe de rire.) Okay, ça marche ?... Bon..

Bob se lève et quitte finalement le quartier, en redonnant la grosse couverture grise à l’ambulancière. Cette dernière, affable, insiste qu’il la garde encore sur lui.

La 827 : Bonne soirée toujours.
BOB(ironique) : Ouais…Merci… Me semble…

Il compose dans son IPhone, le numéro d’un taxi local. Après une trentaine de minutes, un taxi apparait en tournant le coin dans sa direction. Il embarque dedans en refermant la portière derrière lui.

BOB(au chauffeur) : 5423, Rue Lasalle.

Le taxi quitte sa demeure, en s’envolant dans les pénombres des rues.


FIN DE L’ÉPISODE 3

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