La problématique Bertrand Cantat

Vu que l’on peut être soi-même dans les arts, je ne peux me fermer les yeux devant l’implacable destin tonitruant et torturé d’un seul homme qui incarne en ce moment le récipiendaire d’une foule rageuse. Cantat ne composera point pour la pièce tragique Cycles de femmes, une pièce du presque inestimable Wadji Mouawad, à ce que l’on m’a dit ou à ce que l’on aurait prévu. Une pièce de Wadji Mouawad qui serait sous n’importe quel point de vue, emblématique de la vie de Cantat, jusqu’à ce jour.


Une belle pièce de Mouawad, qui serait interprété au TNM, se voulant le miroir propre de la vie d’éclat et de chute de Cantat, à l'entremis de sa musique. Bertrand Cantat, à plus forte raison des foules mugissantes comme les bêtes et les rapaces d’un procès populaire, n’émulera pas sa propre vie en interprétant un rôle quelconque, de soutien ou éponymique. Cantat, après avoir purgé sa peine, n’a nécessairement plus de carrière. Ce que l’on recommande à un artiste, est de savoir plaire à tout le monde, comme on le veuille ou non, en faisant profession de foi. L’artiste en Occident, est condamné à être de « bonne foi », sinon sa carrière n’a plus aucune raison d’être. On ne peut être un artiste publique comme un chanteur, si on n’est d’aucune foi. On peut détester ses propres admirateurs, tandis qu’eux ne doivent jamais le savoir, cela est la réalité d’un chanteur et de n’importe quel artiste. Tout devient une profession de foi. Surtout, l’artiste ne doit jamais être un salaud, puisqu’il ou elle devient un salaud ou une salope pour tout le monde, et le tribunal populaire en suit. Tout est question de « bonne foi ».


Il ne peut refaire comme autrefois sa carrière, en assumant que le passé n’existe plus. L’histoire de la personne existe encore, mais cette histoire se vit toujours dans la foudre du présent. Cantat est maintenant seul devant la haine. Il est probablement seul devant le courroux des multitudes. La masse en tant que tel, ne sera pas toujours de bonne foi envers lui, puisque les malotrus, les « chiens sales », n’existent pas toujours dans les prisons. Ils existent aussi à l’air libre, en toute liberté. Pour Cantat, il sera question de les reconnaître au plus vite, puisque la survie d’un ancien forçat se rapproche à la survie d’un soldat en arrière des lignes ennemies. À tout prix, ce même soldat doit se couvrir des balles assassines, tout comme l’ancien détenu doit se prémunir contre le plus bestial des préjudices tarés. Pour un ancien forçat, le monde lui en veut et lui cherche sa destruction par des moyens directs et indirects, tandis que les plaies sont encore vives. En ce qui concerne l’ex-condamné, ce n’est rien que le temps qui lui gagnera finalement la distance au monde. Ce n’est rien que le temps qui lui sera en quelque sorte, miséricordieux, puisque la foule mutile les condamnés par la seule force de son jugement.



Tout le TNM est en fort émoi, on ne sait trop comment réagir, puisque l’on ne reçoit rien d’autre que la crainte et le dégoût de tout le monde. Dans le dégoût, un peuple se rétractera d’un théâtre afin de rejoindre l’ultime obscurité de ses préjudices et de sa haine propres. Ce fut fougeux certes, or une certaine réinsertion sociale se fera autrement. Au moins, cela ne va pas se faire dans le métier public, dont le métier d’acteur ressemble largement plus à un gibier de consistance qui se livre dûment à la meute de chacals. C’est cela le métier d’acteur, même que l’on ne soit pas forcément pas un condamné, et ce n’est surtout pas un métier que je tiens à cœur.


Je suis écrivain, parce qu’il faut que je juge le monde, une société, un peuple, une nation, d’une manière ou d’une autre, en me retirant le plus possible du commun des mortels.


M.L


Le 9 avril 2011

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