Cruising Bar(1989) et Cruising Bar 2(2008): La répétition d’un film culte sur la séduction
J’avais longtemps gardé des bons souvenirs à propos du film Cruising Bar, réalisé en 1989 par Robert Ménard. Je garde aussi un excellent souvenir de la musique originale de Richard Grégoire qui fait pâlir en comparaison la musique du deuxième film. Robert Ménard est un réalisateur qui exerce un sens propre pour la comédie dans le timing et l’exécution et surtout dans sa parfaite maîtrise de la mise en scène afin de mieux diriger les talents tantôt tragiques et comiques de Michel Côté. Cruising Bar nous introduit les quatre personnages : Jean-Jacques dit Le Paon, Gérard dit Le Taureau, Patrice dit Le Lion et Serge dit Le Ver de Terre, tous incarnés par Michel Côté dans une aisance inouïe. Jusqu’à ce jour, c’est une performance qui rivalise le jeu de Peter Sellers. Sellers a déjà interprété trois rôles différents pour la comédie noire de Stanley Kubrick, Dr Strangelove : Or how I stop worrying and love the bomb (1964). Peter Sellers était aussi un génie comique complètement intransigeant avec lui-même et qui témoignait une rage haineuse contre son rôle le plus connu, L’Inspecteur Clouseau des nombreux films de la série La Panthère Rose. Clouseau incarnait exclusivement l’argent pour Sellers et ce dernier aimait toujours travailler avec son ami réalisateur Blake Edwards. Une longue amitié qui s’est cultivée en six films de la série La Panthère Rose.
Quant à Côté, nous savons qu’il a un amour pour ses quatre personnages. Pour les deux films Cruising Bar 1 et 2, on ressent davantage la main de Michel Côté qui travaille sur la production du film que la main de Robert Ménard, en ce qui aurait trait de la scénarisation. Certes, je me demande pourquoi il a trois scénaristes Michel Côté, Robert Ménard et Claire Wojas, parce que l’on sent trop l’omniprésence de Côté dans les deux films. En quoi Claire Wojas et Robert Ménard ont contribué aux films ? Est-ce que Ménard et Wojas ont écrit les sketches et les gags issus dans les deux films ? On ne sait pas trop comment ils peuvent écrire le film à trois, car trois personnes pour l’écriture scénaristique, cela fait plutôt une cohue qu’autre chose véritablement. Parce que pour le premier Cruising Bar et le second Cruising Bar 2, on obtient simplement un exercice dans la répétition. On répète exactement la même histoire dans sa suite, alors essentiellement si on a vu Cruising Bar 2, on vient de voir le premier sans même l’avoir vu et vice-versa.
Cruising Bar 2 veut faire évoluer ses quatre personnages afin de montrer l’évolution dans leur vie amoureuse et professionnelle, mais n’y arrive pas car le contenu des quatre personnages aurait besoin d’être mieux étoffé dans un film plus long. En principe, le premier film ne savait pas trop comment contextualiser ses personnages avec leur environnement et les autres personnages, car dans le film, ils semblent vivre dans un vacuum : laissés à eux-mêmes sans avoir de relations significatives avec autrui. Par conséquent, les personnages restaient dans leurs traits dominants, mais le public les adorait comme étant des personnages sympathiques de par leurs traits dominants. Certes, il est vrai qu’un film d’une heure et demie ne peut pas tout nous dire sur ses personnages en profondeur. Voilà pourquoi on a inventé les téléromans, les sagas, les romans fleuves, les téléromans fleuves et les miniséries.
Pour un film d’une heure et demie, on peut tout le temps saisir l’essentiel pour les personnages, et c’est ce que fait le premier film. Cruising Bar se concentrait uniquement sur les quatre personnages, en restant uniquement sur les traits de caractère propres, ainsi que son intrigue pour la soirée et l’aventure d’un soir pour chacun des personnages. Cruising Bar 2 est exactement cela, une répétition du premier : on se concentre sur les quatre personnages, en restant uniquement sur les traits de caractère propres, ainsi que son intrigue pour la soirée et l’aventure d’un soir pour chacun des personnages. Les seules différences d’intrigue pour Cruising Bar 2, Serge, notre Ver de Terre national fait l’effort de sortir de son cocon pour apprendre à mieux socialiser dans une école de danse avec des conséquences hilarantes. Jean-Jacques, notre Paon provincial, doit se confronter à son homosexualité, car il n’arrive pas à maintenir une relation stable et mutuelle avec une femme. Les intrigues de Patrice et de Gérard, c’est du pareil au même, soit parce qu’ils sont trop caricaturaux ou on ne cherche pas à en faire plus. Alors, Cruising Bar 2 agit davantage comme un remake ou reboot que d’une vraie suite. On a voulu recréer la magie du premier film, ce que les suites ou « sequels » de film veulent presque toujours faire également, mais les suites ne parviennent pas à nous faire oublier l’original. Donc, la suite n’accomplit rien et le remake/suite nous semble inutile.
Je peux toujours recommander le premier pour la qualité de son humour, la spontanéité de la mise en scène chez Robert Ménard et du scénario mieux ficelé de C. Wojas, M. Côté et de R. Ménard, car la performance de Michel Côté reste la meilleure et pour les performances souples et parcimonieuses de Véronique LeFlaguais, Geneviève Rioux, Roger Léger et Jean-Pierre Bergeron, ainsi que de Louise Marleau. Je recommande aussi Cruising Bar pour la musique originale de Richard Grégoire qui est une présence en soi pour la musique de bars et de boîtes de nuit dans tout le film. Cruising Bar 2 devient juste un objet de curiosité.