Les Misérables : Revenir aux sources avec Hugo



Isabelle Allen et Hugh Jackman
«Je serai Châteaubriand ou rien.»
-Victor Hugo

Au départ, je me sentis au paradis blanc de l’esthétisme, car je venais tout juste d’engloutir dans mon for intérieur, la première marque du génie musical contemporain, en commençant par la prodigieuse musique de Claude-Michel Schönberg. Devant mon blocage, je ne savais trop quoi dire pour critiquer la pièce et le film, tant que ma tête et mon cœur furent métamorphosés en un brasier ardent de la passion, suite à son visionnement. Le film fut mon premier rapport avec la musique de Schönberg. Ce fut cette expérience au cinéma, à l’instar de contempler la vraie comédie musicale dans un lieu sacré du théâtre dans l’exemple de la Place des Arts, bref si on veut bien.

Veuillez excuser ma petite nature populiste, si j’ai opté pour la version filmique de 2012 par Tom Hopper, une magnifique transposition à l’écran du chef-d’œuvre musical de C.-M Schönberg, d’Alain Boublil, de J.-M. Natel et d’Herbert Kretzmer. Hugo a produit un classique, et Schönberg et Boublil aussi, pour une comédie musicale, auquelle sa musique et ses paroles me hantent encore l’esprit dans une jouissance esthétique et solitaire. Une volupté, naguère populaire dans l’instance d’aujourd’hui, que mes proches ou mes amis ne seraient pas curieux de connaître, et comme résultat, je les plains atrocement sans doute.

Le génie de Hugo inspira nos génies contemporains du théâtre musical, et ceci sans le moindre défaut ou la moindre tare sur l’œuvre. Schönberg et Boublil ont réussi l’impossible, en condensant parfaitement la longue épopée d’Hugo, s’étirant en soi sur trois tomes, et dont chaque tome est de 700 pages.

Un travail d’adaptation, évidemment colossale et compliqué et ils avaient déjà remporté haut la main le succès dans les salles de théâtre, avant même les salles de cinéma en 2012. Ma sortie au cinéma pour ce film de Hopper et produit par Cameron Mackintosh, le même producteur de la comédie de Broadway, agit comme ma première expérience à la pièce, ayant l’inconvénient de ne pas vivre à New York ou à Paris, mais bel et bien au cœur de Montréal, la métropole, ce qui n’est jamais mauvais en soi.

Ma première expérience avec Victor Hugo, fut lors de mes 18 ans, lorsque je commençais à lire sa poésie dans des recueils différents Les Contemplations et Les Châtiments, avant de finalement lire Les Misérables, dont j’entamais dans une hardiesse démesurée, les deux premiers tomes.

Et de ce livre, aussi long qu’il puisse être, j’en conclus que Hugo n’était plus vraiment un auteur, mais un monstre du Verbe, se doublant aussi d’un monstre bucolique. Comme le disait l’une de mes professeures au collège : « Victor Hugo, c’est un monstre, tout à fait. Les mots sont à son service. » Je ne vais jamais en douter, d’ailleurs. C’était un talent véritablement délirant, et dire que j’ai continué avec Hugo, en parcourant ses autres ouvrages : Notre-Dame de Paris, Les Travailleurs de la Mer, Le Dernier Jour d’un Condamné et Quatrevingt-Treize. 

De toute façon, Dieu seul sait combien il est difficile de ne pas trahir un génie littéraire ou des génies du théâtre, dès que l’on adapte sa plus grande œuvre pour le grand public. Lorsque l’on veut mettre sa personnalité ou sa personne dans l’œuvre, au lieu de la respecter à la lettre en pensant à l’œuvre originel, on la trahit quelque peu. Donc, William Nicholson en assure une très fidèle adaptation de la comédie musicale à l’écran. Tom Hopper assure encore une mise en scène classique, ce qui est convenable pour une comédie musicale, américaine à l’origine. On cherche à respecter l'oeuvre, point final, en servant le maître qui est Hugo et le groupe Schönberg, Boublil, Natel et Kretzmer.

D’autre part, je ne m’attarde presque jamais à la direction artistique ou le design des costumes et de la production dans les films critiqués par moi, simplement pour la raison que je ne suis pas un architecte pour les décors ou un couturier pour les costumes. Cependant, je peux constater que les valeurs de production sont incroyables pour un film à grand budget. Ève Stewart se révèle comme une excellente architecte et designer des décors. Paco Delgado est un excellent costumier. Je crois qu’ils pourront remporter des prix honorifiques pour l’ensemble de leur travail.

La distribution américaine du film, semblable à la distribution de Broadway, reste la meilleure que l’on puisse observer. Des chanteurs/acteurs reprennent l’adaptation anglaise d’Herbert Kretzmer, étant donné que c’est une pièce entièrement chantée ou presque dans le film. Hugh Jackman est un magnifique Jean Valjean/Monsieur Madeleine, à un point que cela me transit d’effroi. Anne Hathaway est une magistrale Fantine et son Golden Globe remporté ce Dimanche dernier, en fait bien la preuve. Russell Crowe est sublime en tant que l’inspecteur Javert. Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen interprètent les truculents et savoureux Thénardier, lorsque dans le livre de Hugo, ils sont des personnages plutôt sordides, bestiaux, escrocs et bâtards. Enfin bref, ils étaient les Bougon de cette époque. Eddie Redmayne possède une excellente voix, tout autant que Samantha Barks, une excellente chanteuse, dans son rôle d’Éponine. Aaron Tveit est un brillant chanteur. Enfin, tout le monde est merveilleux, c’est tout dire.

Bref, c’est tout ce qu’il y a de plus beau et de meilleur en ce temps de Janvier. Avec L’histoire de Pi d’Ang Lee, c’est le second meilleur film de 2012, avec en troisième position Amour de Michael Haneke. Hollywood devrait maintenant adapter à l’écran un autre classique de Hugo, qui n’est pas exactement un classique international, dans les exemples de Bug-Jargal et de L’homme qui rit. Eh oui, n’importe quelle œuvre de Hugo est excellente selon moi. D’autant plus, on aurait tendance à m’impressionner, en voulant rendre à l’écran, les œuvres méconnues de Victor Hugo, parce que l’on se concentre uniquement sur les classiques des grands auteurs par simple souci commercial. C’est plutôt par esprit de facilité et de confort.

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