Django Unchained : Le western selon Tarantino


Leornado DiCaprio et Jamie Foxx

Si Sam Peckinpah avait voulu produire son dernier western à l’époque durant les années 60, il aurait probablement emprunté le concept de Tarantino, Django Unchained, pour en faire un drame sérieux, plutôt que d’une comédie. Cela lui ressemble en contenu et en style, tout comme pour le style du western-spaghetti.

Le film de Peckinpah aurait eu encore les mêmes excès théâtraux dans sa violence, tout en ne devenant jamais une source de comédie.

 La violence et les gags scénaristiques sont aussi les sources de comédie pour Tarantino. Peckinpah, quant à lui, se serait contenté d’être sérieux.

Tarantino emprunte beaucoup dans le style de Sam Peckinpah et de Sergio Corbucci depuis son générique d’ouverture jusqu’à sa toute fin. La chanson thème d'ouverture est directement emprunté du film Django(1966) de S.Corbucci, tout autant que l'on constate de la même police pour le générique. Cependant, on assiste à un film qui est complètement du Tarantino et qui, à ma grande satisfaction, est un film à la fois génial dans son exécution que dans son intrigue. Quentin Tarantino livre maintenant un excellent film, et le dernier film de ce calibre remonte à Jackie Brown.

Tarantino explore beaucoup le style dans le western, mais se concentre à vouloir unifier la comédie italienne dans les western-spaghettis dans l’exemple des films de Terence Hill, ainsi que le réalisme brutal et poétique de Sam Peckinpah. Aussi dans le style, il emprunte le style violent de Sergio Corbucci, et le film de Tarantino s'inspire de la prémisse du Django de Corbucci, tel un quasi-remake. Le Django de Corbucci veut venger la mort d'une copine durant la deuxième moitié du film et d'un autre côté, le Django de Tarantino, c'est un esclave qui veut retrouver sa femme, aussi une esclave, vivante dans une plantation, afin de la sauver.  Peckinpah est connu comme le poète sauvage du Far West où sa filmographie illustre son style de la beauté plastique dans la mise en scène : The Wild Bunch, Ride the High Country, The Ballad of Cable Hogue, Straw Dogs et Junior Bonner. Le film de Tarantino est un drame sérieux qui connait ses moments drôles, où la comédie dans les scènes est volontaire par l’auteur ou quelquefois non. À vrai dire, ce sont les deux. Entre autre, l’excès de violence rend une situation cartoonesque et le sang ne parait pas normal, tandis que l’on fait, par la pyrotechnique, une sorte de sang gras et aqueux qui me fait penser à de la mousse de canneberges. Une fois qu’ils se font tirés dessus, les méchants réagissent en faisant jaillir de leur corps de grosses cascades de sang aux canneberges, alors il n’y a aucun souci de réalisme et c’est juste loufoque.

En dépit de cela, nous pouvons encore nous immerger dans l’univers du film et de ses personnages, car le scénario et les dialogues de Tarantino sont si géniaux que nous pouvons néanmoins outrepasser ces défauts. Ce qui pourrait rebuter un nombre certain de spectateurs, c’est chez Tarantino, sa comédie de la violence et son drame de la folie. La violence excessive désamorce la contenance et le drame du film, en rendant cocasse les personnages ou la situation. On traite aussi du drame de la folie, parce que l’on nous démontre des scènes indescriptibles en ce qui concerne l’esclavagisme du Sud des États-Unis, où le traitement macabre des esclaves noirs par des propriétaires de plantation atteint un seuil surréel. Cela devient trop bizarre pour que ce soit crédible, mais sous l’écriture de Tarantino, est-ce qu’il y a véritablement une recherche sur le fond historique ? Pour illustrer un exemple, il y a une scène intense et chargée où on punit la femme de Django, Broomhilda, en la couchant dans une malle de fer à l’extérieur dans la cour d’une plantation du Mississippi et ce, au grand soleil. Les garçons de la plantation ouvrent la malle à intervalles réguliers pour lui couler de l’eau de puits sur son corps nu, tandis qu’elle crie au meurtre bleu. C’est réjouissant, non ?

D’une certaine façon, je plains Kerry Washington, l’actrice qui incarne Broomhilda. Par contre, je ne trouve pas que l’on écoute du Tarantino pour la véracité historique, mais plutôt pour le divertissement dans son étude des mœurs. C’est exclusivement une étude des mœurs que l’on peut croire ou non. D’un autre côté, il a existé des cas documentés de lynchages et de pendaisons publiques pour des Noirs ou des esclaves noirs au Sud des États-Unis. Or, l’étude des mœurs de Tarantino peint également le portrait de la folie absurde du racisme et de la haine, quand le personnage de Léonardo DiCaprio, Calvin Candie se sert avec une joie perverse du crâne humain d’un esclave noir décédé pour expliquer à ses invités les « imperfections » du peuple africain. Oui, avec Tarantino, on constate que la haine va très loin, surtout dans son style sensationnel et brutal. Mais il veut illustrer la mentalité sadique et perverse que les gens possédaient autrefois.

Toutefois, il existe deux choses qui restent incompréhensibles. La première : pourquoi, il décide d’insérer des chansons d’Ennio Morricone, genre western évidemment, lorsque la trame musicale est déjà excellente d’elle-même, elle est très inventive, savoureuse, exquise et rythmée ? Les parties musicales écrites par Ennio Morricone sont instrumentales, comme pour le cinéma de Sergio Leone, dans les fins d’insuffler à la scène un maximum de tonus et d’ampleur, en ce qui concerne son atmosphère. Alors, pourquoi ne pas avoir demandé à Ennio Morricone de composer toute la trame musicale de Django Unchained ? Je trouverais que cela vaut d’autant plus de le faire travailler sur un film, que simplement prendre ses mélodies, issues des western-spaghettis de Leone. La deuxième : il existe un abus incroyable du zoom optique, que cela en devient agaçant et quelquefois il est mal fait, et on l’aurait gardé dans le montage. C’est quoi l’idée de trop faire dans le zoom optique ? Tarantino a voulu s’amuser avec la technique, sans donner de grands résultats.


Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Samuel L. Jackson et Kerry Washington sont magnifiques dans leur rôle, et c’est véritablement un film d’ensemble parce que personne ne vole la vedette à son voisin en essayant de mieux jouer que lui. Ils sont le spectacle, et interprètent tous leur rôle dans une qualité égale, en étant au même niveau. Leonardo DiCaprio se livre dans son rôle de Calvin Candie dans une joie plutôt exubérante, tant que dans son cabotinage, il veut manger tout le décor de la scène avec ses partenaires de réplique. Christoph Waltz est tout à fait sublime et se démarque considérablement de Jamie Foxx, tandis que lui-même et Foxx possèdent une chimie incroyable ensemble. Jamie Foxx devient pour le grand écran sous l’experte direction d’acteurs de Tarantino, un Clint Eastwood noir, grâce aussi à sa forte présence, dans le rôle éponymique de Django. Il n’existe point de premiers rôles ou de seconds rôles dans ce film de Tarantino, alors c’est possible pour tout le monde de donner son plein potentiel dans son jeu.

Finalement, un fait amusant : « Django » est un vrai prénom d’homme qui a disparu depuis longtemps. Il existe un grand Django même, Django Reinhardt, un grand guitariste français de jazz et de blues, reconnu pour son génie musical dans le monde entier.


En somme, c’est une lettre d’amour de Tarantino pour le cinéma de Leone, de Sergio Corbucci et de Peckinpah, et cela en devient une expérience absolument savoureuse.

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