L’histoire de Pi : Martel donne un grand film pour Lee



Une absence s’échelonnant sur un mois et depuis le 30 octobre dernier, j’ai largué mon blogue, faute de temps et aussi dû à une vie professionnelle qui devenait progressivement active. Une vie de monteur Web qui, désormais, m’occupait au travail de montage des multiples tournages d’un documentariste de films pour enfants. Ne voulant point me taper du superflu pour un retour au cinéma, dans l’exemple du remake inutile du classique d’action de John Milius, L’aube rouge, j’ai opté pour l’odyssée en hautes mers du sud de Piscine Molitor Patel, ou Pi Patel.

Le livre de Yann Martel est finalement transposée à l’écran par Ang Lee, dont la réalisation est exquise. Le roman de Martel, Life of Pi, remporta une myriade de prix littéraires, tels que le Man Booker Prize pour la catégorie Fiction et le Boeke Prize en 2003. Pour un premier chef-d’œuvre profond et contemporain d’un écrivain canadien, comme Yann Martel, on peut fortement recommander sa lecture, si on le retrouve dans une bibliothèque près chez de soi. Rien ne peut devenir plus fascinant que de lire l’histoire de survie du fils d’un gardien de zoo, qui se sauve du naufrage d’un navire, ayant en cargaison les animaux sauvages du zoo. Trois animaux se sauvent du navire à la nage, voulant s’introduire dans le canot de Pi Patel. Pi accommode les animaux sur le canot, tout en fabriquant un autre radeau afin de s’écarter d’eux. Il est encore relié au canot pour la question des provisions, tout en échappant à la présence du tigre. Sur le canot principal, on y retrouve un zèbre, un tigre, une hyène et un orang-outan qui se sont sauvés du naufrage. Le seul animal qui reste sur le canot est logiquement, le tigre, car il a consommé tous les autres animaux du canot.

Ang Lee perçoit de l’excellence dans le roman de Martel, tout comme le critique va percevoir l’excellence dans le génie visuel d’Ang Lee, car son film arrive à une réussite dans la mise en scène, que cela n’égale pas son œuvre antérieur. Lee innove et se réinvente. Mais vu qu’Ang Lee remporta l’Oscar du meilleur réalisateur pour Brokeback Mountain, on se doute bien qu’il cédera la place à l’innovation en intégrant l’appareillage 3-D, plutôt que de connaître l’aplatissement de l’image dans le cinéma conventionnel, dit 2-D. La 3-D complimente notre expérience de visionnement, et on ressent davantage cette impression que le film a été fait pour une projection comme celle-ci et non autrement. Ce fut mon premier film 3-D, et pour une fois je m’obligeais de le voir, en mettant les grosses lunettes 3-D par-dessus mes propres grosses lunettes de prescription et de design scandinave. Traditionnellement, j’écoute rarement des films en 3-D, non seulement pour une question d’épargne, mais bien aussi que je n’ai jamais trop aimé le procédé de la troisième dimension, jusqu’à maintenant, car il fait moins marketing et sert le film plutôt que de lui nuire. Comme une merveille, la 3-D marchait bien. N’ayant pas lu le livre de Martel, je ne peux pas trop savoir si Lee a retenu beaucoup de son œuvre dans les fins de lui assurer une fidélité absolue.

J’assume que oui, parce que David Magee, le scénariste nous fait le roman en raccourci, en introduisant dans le film de Lee, l’essentiel de l’esprit du livre. Magee nous fait une très belle adaptation de son plein gré. Ang Lee se surpasse dans la réalisation, voulant nous faire découvrir le plus réalistement possible la cohabitation d’un jeune Indien et des animaux sauvages, tels qu’un zèbre, un orang-outan et un tigre du Bengale, flottant ensemble sur un même canot de sauvetage. Dans tout l’appareillage de la 3-D, Lee arrive à nous englober dans tout son film, en se servant du relief et de plusieurs niveaux de plan pour que le personnage se retrouve et évolue dans un espace propre, ce qui serait l’espace de la fiction. D'autant plus, la cinématographie de Claudio Miranda est à couper le souffle. Il est possible que L’histoire de Pi, d’Ang Lee puisse recevoir trois nominations pour les Oscars, dont celle du meilleur scénario, de la meilleure réalisation et du meilleur film. Je n’en ai vraiment aucun doute, parce que Lee est simplement fantastique dans son talent pour recréer à l’image le fantastique issu de l’œuvre de Martel, qui reste néanmoins un bon livre pour enfants, les éveillant à la spiritualité, dans une belle enveloppe de divertissement. Ang Lee se concentre également à faire une grande facture de divertissement, comme il l’a fait pour Tigre et Dragon, Souvenirs de Brokeback Mountain et Hulk. On impressionne la galerie avec une grande facture visuelle, mais la force réside dans la mise en scène et non pas dans l’essor excessif et abusif des effets spéciaux en numérique, tout comme pour la musique appliquée ou de fosse, omniprésente dans toutes les scènes. Certes, c’est un film de Lee qui ne pourrait pas exister sans les effets spéciaux numériques, parce que l’on cherche à faire plus, en détruisant à tout prix l’enveloppe du réel ou du réalisme. On veut que l’inconcevable devienne réel, alors cela nous prend du numérique, désormais.

Suraj Sharma, dans le rôle de Pi Patel durant l’adolescence, nous livre une performance absolument sublime et intenable dans toute son émotion. Suraj Sharma nous interprète dans une belle humanité un rôle qui se voit condamné à la solitude durant toute l’aventure de son sauvetage. Irrfan Khan est aussi excellent, en tant qu’un Pi adulte, où il conte dans son appartement, son histoire de naufrage à l’auteur, incarné par Rafe Spall. On déduit que le rôle de l’auteur se calque un peu sur l’auteur du livre lui-même Yann Martel, parce que le nom du personnage est simplement «l’auteur» et rien de plus. Les acteurs incarnant la famille de Pi, Mohd Abbas Khaleeli, Adil Hussain et Tabu, sont bien mémorables dans la distribution. Or, ils ne cherchent pas véritablement le merveilleux de leur performance.

De toute manière, si vous avez aimé le roman, en guise de résultat vous allez adorer le film, parce que c’est le premier film d’un cinéaste hollywoodien qui peut rendre justice à une belle œuvre littéraire canadienne, qui n’est regrettablement pas une œuvre québécoise.

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