Ted : un exercice moyen dans la créativité

Photo: Fuzzy Door Productions

Auparavant, j'admirais le talent comique de Seth MacFarlane et je l'admire encore. On reconnaît son talent pour la comédie, principalement pour les télé-séries animées Family Guy et American Dad, dont l'humour particulier inflige une mortalité de rire ou le plus grand choc d'indignation. L'humour de MacFarlane n'est pas pour tout le monde, mais nul ne peut nier son génie propre pour la comédie et le dessin animé, concevant lui-même le design de ses personnages, tout comme Matt Groening, le créateur des Simpsons. Comme Groening, Seth MacFarlane est un dessinateur et un humoriste pleinement douée. Son premier film, Ted, réalisé à la manière d'A.I : Artificial Intelligence où le live-action côtoie l'animation numérique, n'arrive pas à la cheville de ses télé-séries. Le film détonne d'un exercice moyen dans la créativité en utilisant une idée vieille comme la gale, d'un jouet inanimé, tel un ours en peluche, reprenant vie suite au souhait d'un enfant.

Pour MacFarlane, le cinéma est un médium parmi tant d'autres servant à véhiculer son humour comme l'a fait Mike Judge avant lui avec ses films : Office Space(1999) et Idiocracy(2006). Ces deux films de Judge, n'ayant pas connu un énorme succès commercial, sont devenus des œuvres cultes, tout comme sa première télé-série animée Beavis and Butt-head colportant un humour idiot, caustique, morbide et grinçant, présentée jadis sur MTV durant les années 90. C'est le même humour qui traverse Judge et MacFarlane dans l'écriture de leur œuvre respective. Nous sommes encore loin de Woody Allen. Allen est aussi un maître de l'humour, mais qui est certainement plus intellectuel et raffiné, un humour reposant sur les rapports humains.


Donc à l'aide d'un vieux concept de nounours vivant destiné pour un public d'enfants, MacFarlane applique son humour «adulte», en essayant de glisser toute les blagues de sexe, pensée et repensée par les deux scénaristes Alec Sulkin et Wellesley Wild, ainsi que MacFarlane. Ils sont parvenus ensemble à faire une histoire cohérente qui déjoue convenablement nos attentes, en mêlant le thriller et le roman de gare. Le film veut nous capturer dans son humour, tout en ne voulant pas être pris au sérieux, parce qu'il y a inexplicablement un ourson en peluche qui parle, et c'est le personnage principal. Le film échoue même à faire cela, car à la trentième minute du visionnement, ce genre d'humour hélas ne nous rejoint plus.

Lorsque l'on veut choquer dans son humour, à la place de vouloir vraiment faire rire, on décroche complètement. Le dialogue des trois scénaristes rayonne par quelques scènes délicieuses de Ted l'ours, offrant l'impression que MacFarlane lui a écrit ses meilleurs répliques. On se dit intérieurement: « Ça me fait rire un peu, mais c'est trop immature pour que je trouve cela complètement drôle. » Pourquoi MacFarlane n'a pas voulu reprendre l'essence intelligent provenant de ses personnages connus de ses séries ?


On tombe dans la comédie facile pour vouloir trouver un plus large public, ou probablement connecter avec les fans de son œuvre antérieur avec le slogan « From the creator of Family Guy ». Je pourrais vous conseiller seulement de regarder des films de Woody Allen, de Mel Brooks et de Buck Henry, parce que l'humour est beaucoup trop brillant pour tomber dans le vulgaire imbécile. En qualité de contenu, Idiocracy reste un film plus intelligent.

D'un autre côté, l'animation CGI de l'ourson Ted est phénoménale. On arrive à bien croire qu'un ours nous parle, comme aux protagonistes du film, et je n'ai que le plus grand respect pour les artisans qui ont réussi à nous animer Ted de la façon la plus convaincante possible. Il y a un ourson qui se déplace comme un homme. Sinon, Ted n'aurait été qu'une marionnette, ce qui aurait plongé le film encore plus dans l'abysse de la nullité. Il devient certain que l'animation numérique et les effets visuels seront en nomination pour des prix, je n'en doute pas une seconde. En soi, l'animation devient la seule bonne raison pour le voir. Il n'y a pas vraiment d'autre raison.

Mark Wahlberg, pour un très bon acteur dramatique, passe très mal dans une comédie, or il n'interprète pas un rôle en voulant être drôle non plus. C'est un très bizarre choix de casting. Par conséquent, il sait que la comédie n'est pas vraiment sa place. Wahlberg est connu pour des rôles dramatiques et sérieux, alors il n'est pas assez clown pour être drôle. Si Ben Stiller, Steve Carrell ou Owen Wilson avait reçu le rôle, le film serait beaucoup plus drôle. Le film a besoin d'un acteur dans un rôle de soutien qui peut bien faire le contrepoint du protagoniste principal, un ours humoriste animé par la dernier cri de l'informatique. Wahlberg sent lui-même qu'il n'est pas à la hauteur d'être drôle et se sent quelquefois ridicule. Mila Kunis est une actrice avec un très bon flair pour la comédie de situation, en constatant de son expérience dans le fameux sitcom de Bonnie et Terry Turner, That 70's Show. D'autant plus, elle joue le rôle de Meg dans la série Family Guy de MacFarlane, en prêtant sa voix au personnage. Kunis, en ne jouant pas un rôle extrêmement intéressant, elle livre une performance potable. Le plus désolant est qu'il n'y a pas une chimie entre Wahlberg et Kunis, et ils semblent tous les deux « piégés ensemble » pendant toute la durée du film. On perçoit cela progressivement. Le caméo de Monsieur Flash Gordon, Sam J. Jones nous apparaît bizarre. Ted agit comme sa deuxième apparition au cinéma depuis Flash Gordon de Mike Hodges, réalisé en 1980 et quelques petits rôles dans des comédies légères. Puis on s'y fait parce que c'est une expérience agréable de le revoir encore au cinéma et cela des années plus tard. Ce qui est rassurant, c'est que Sam Jones se porte plutôt bien, ayant encore sa forme bien «coupé » à l'âge de 70 ans. L'autre caméo, celui de Norah Jones semble plus savoureux et plus appréciable.

Si vous êtes un fan de Family Guy, comme le spécifie explicitement le slogan, alors contentez-vous de la série, car vous n'aurez pas nécessairement un humour énormément raffiné. Or, si vous aimez l'humour primaire, alors c'est un film qui est tout fait pour vous, cependant quand on a des goûts d'adolescent attardé à l'âge adulte, il est incontestablement temps d'évoluer de toute urgence.


5.5*/10

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