Omertà : Un autre épisode de Dionne, et rien de plus...


Bizarrement, je m'attendais à beaucoup, parce qu'après tout c'est la mini-série intelligente de Luc Dionne et de Pierre Houle qui a conquit le Québec, durant le milieu des années 90. Actuellement, c'est le film complet de Luc Dionne, où il scénarise et réalise son projet en repoussant toute collaboration extérieure, depuis qu'il a fait le saut de la télévision au cinéma. La mini-série Omertà : La loi du silence, tournée en 1996, a propulsé Dionne au sommet de la gloire, faisant découvrir à tout le Québec, la présence d'un Len Deighton québécois, du jour au lendemain. Dionne me fit penser à Deighton principalement pour la psychologie des personnages, malgré que Deighton consacra son œuvre au roman d'espionnage, tout comme Ian Fleming. Lorsque la mini-série arriva à sa conclusion, Dionne se concentra au grand écran, en produisant le remake Aurore, du film minable, mais culte de Jean-Yves Bigras, La petite Aurore :L'enfant martyre. De tous les projets qu'il aurait pu choisir pour le cinéma, pourquoi vraiment celui-ci ? Est-ce que l'on voulait améliorer à l'écart du film culte, qui deviendrait une tâche assez facile, probablement pour lui ?


Maintenant, il décide de porter sur l'écran sa mini-série qui lui a valu son statut d'auteur. Comme première impression, ce que nous avons est un succès mitigé, car le film pour ses principales qualités, n'est pas néanmoins sans défauts. Dionne conserve, même quand il s'agit d'un film, le style et l'esthétique de Pierre Houle pour la télé-série, alors ce que nous avons sous nos yeux est encore le style de la mini-série, sans vouloir chercher une nouvelle manière d'innover dans l'esthétisme. Dionne se concentre à faire son réalisme, mais ne cherche pas cependant une nouvelle manière de le réaliser, tel qu'en cherchant à innover dans la mise en scène ou la beauté plastique des images. C'est ce qui fait échouer le film en partie dès le départ, parce que si on propose d'adapter en film, ce qui a déjà été fait en mini-série, il faut se différencier le plus possible de son médium d'origine, en proposant du renouveau dans la forme. Ce qui fait plus cinématographique, est simplement le fait que l'on utilise les noms de bons acteurs afin de vendre des performances excellentes, ce qui n'est toutefois pas le cas d'ailleurs.


Dionne se contente de nous écrire un autre épisode de la mini-série, mais qui se termine sur une fin ouverte, sans donner au spectateur les moyens pour renouer l'histoire dans son esprit. L'intrigue est trop dépendante d'un point tournant, survenant au milieu du film parce qu'elle déjoue assez bien nos attentes, afin de maintenir notre intérêt dans l'intrigue. Dionne fait un choix intelligent de continuer la mini-série dans ce film d'une heure et demie, en faisant évoluer ses personnages principaux dans le prolongement de leur vie. Il opte judicieusement pour cela, nous procurant l'impression que la vie des personnages a continué son cours entre la fin de la mini-série et le film. Le « dialogue d'intimidation » est non le moins affreux. Affreux dans le sens que le dialogue semble désuet et provient d'une autre époque, ce qui endommage la performance des acteurs. Les acteurs livrent le même dialogue dans un sérieux total et croient ce qu'ils disent, et la foule dans la salle s'esclaffe de rire par sa comédie involontaire.


On retrouve de nouveaux personnages qui sont moins bien développés que lors de la mini-série, même si les acteurs qui se doivent de les incarner sont des grands noms : Patrick Huard, Stéphane Rousseau et René Angelil. Michel Dumont et Michel Côté nous reviennent dans le film, retournant aux rôles de Pierre Gauthier et de Gilbert Tanguay. Les anciens personnages de la télé-série sont les mieux investis par Dionne, et on veut seulement qu'il étoffe mieux ses nouveaux personnages de sa saga. Les personnages célèbres reviennent pour ceux qui sont des fans de la série. Le film s'adresse aussi aux fans de la série, comme public-cible recherché. Michel Côté reprend son irascible Pierre Gauthier, dont on lui confie la mission d'enquêteur privé pour un parrain de la mafia, incarné par René Angélil. Rachelle Lefèbvre incarne le rôle ingrat d'une policière et agente double pour l'enquête policière de Tanguay et de Gauthier, tombant facilement dans le pétrin. Lefèbvre nous procure regrettablement une prestation inintéressante dans le rôle d'une victime ennuyante qui a du chien. Stéphane Rousseau interprète un personnage au nom chandleresque1 de Sam Cohen, mais c'est aussi l'un des personnages les plus vides qui m'est procuré de voir. Rousseau nous incarne un méchant unidimensionnel et psychotique qui pour une fois dans le film, n'est pas le meurtrier de quelqu'un. Sur ce point là, on a déjoué nos attentes. C'est tout ce que l'on a besoin de savoir, et tout ce que l'on confirme à l'auditoire.


Stéphane Rousseau, Patrick Huard et Michel Côté nous révèlent des performances moyennes. Or, Côté livre une performance assez conventionnelle pour son régistre, parce qu'il sait à fond son personnage de Pierre Gauthier, depuis les années 90. Stéphane Rousseau incarne dans la retenue son personnage de Sam Cohen, un gangster supposément sanguinaire et psychotique. Or, c'est dans la retenue qu'il arrive à être intimidant, étant donné qu'il est doté d'un talent ingénieux pour que les rôles moulent bien à sa personnalité. Patrick Huard, comme gangster, développe un jeu simple qui se base sur deux traits de caractère : la hargne et l'insolence, et il les exploite avec verve et profusion. C'est tout, et cela résulte vers la fin du film au point culminant de l'impatience, car Huard veut rendre son personnage le plus antipathique possible. Est-ce lui ou Dionne l'auteur? Si on veut construire un personnage, qui a pour simple but d'être antipathique, cela ne vaut pas la peine de l'écrire ou de l'interpréter. Le rôle de Steve Bélanger, pour Patrick Huard, est plus précisément d'un con assez rusé, hargneux pour rien. Le personnage sert au point tournant uniquement. Cela se nomme un personnage ennuyant. C'est une véritable perte de temps.


Passons maintenant à la performance de René Angelil. C'est un imprésario de génie, mais comme acteur, il ne semble pas dans son élément. Monsieur Angelil ne semble pas véritablement à l'aise dans son rôle. Il se concentre à être « lui-même», parce qu'il ne sait pas trop comment incarner un personnage. D'autant plus, on mise plus sur la présence imposante de Monsieur Angelil dans le film, que de ses talents de comédien. Pour une personne qui ne vit pas au Québec, René Angelil pourrait paraître plausiblement comme un parrain de la mafia. Pour un Québécois, on le voit peut-être d'un regard ludique et amusé d' un mafieux, car il est un manager qui a gouverné d'une main de maître le succès de sa célèbre conjointe, Céline Dion. Un imprésario brillant et rusé, qui est capable de flairer le prochain succès. Dans un cas révélateur et intéressant, on se sert de l'image de «maître du jeu», ou «d'homme d'affaires sans scrupule». L'image de manager génial supplante la personne. Il ne se concentre pas vraiment à incarner un personnage, mais sa performance passe trop mal, parce qu'on le sent trop réservé. Il est trop tourné en lui-même, et il ne croit pas vraiment à son dialogue, lorsqu'il donne la réplique dans ses scènes. De toute manière, son rôle est probablement mal écrit, ou Monsieur Angelil est simplement mal dirigé par Dionne.


Pour conclure, les fans de la mini-série des années 90 pourront retrouver leur compte, en admirant certains de leurs personnages préférés, et ils se contenteront d'un style de réalisation similaire, et d'une intrigue suffisamment bien ficelée.



(Dorénavant, je délaisse à tout jamais la cote de 1 à 10, parce que je la considère trop factice et superficielle, et les cotes reflètent pauvrement les critiques.)


1Digne de Raymond Chandler

Messages les plus consultés de ce blogue

Hollow Man(2000) - Bande Annonce de Maxime Laperle

Théorie du montage chez Sergei Eisenstein

Mégantic : un poème descriptif - 10 juillet 2013