Dérapages : La fougue mortelle de la jeunesse






Il est normal de sortir de la salle en broyant du noir, face aux témoignages dramatiques des jeunes victimes, trop enhardies au volant à la suite d’une cuite. La bonne humeur festive s’empare des adolescents, ayant bu trois ou qatre consommations. C’est dans cette illusion d’invincibilité que nos adolescents percutent de plein fouet la tragédie humaine. « Il faut que jeunesse se passe », comme dit le proverbe, mais encore faudrait-il être en pleine possession de son jugement à l’âge ingrat.


Paul Arcand opte pour le biais perceptuel d’une jeunesse idiote et autodestructive. Les jeunes ont tous quelque chose en commun, c’est la passion de la vitesse pour la conduite automobile. Une passion qui provient de l’inexpérience de la conduite ainsi que de la fougue. L’alcool et la conduite sont déjà un mélange dangereux en soi. Cependant, en jugeant du documentaire choc d’Arcand, la conduite, pour un jeune conducteur, le transforme en un danger imminent, et cela avec ou sans alcool.

Au niveau de la forme, Arcand choisit un style de grand reportage. Il emprunte également la réalisation clinquante de la franchise hollywoodienne de Rob Cohen, The Fast and Furious. Une franchise qui plaît énormément à un public-cible d’adolescents, parce qu’elle épouse bien leur passion aveugle pour la vitesse. Si la forme se doit d’être aussi étincelante pour un reportage TVA branché, le contenu par contre est déprimant. Dans ce récent documentaire d’Arcand, nous sommes confrontés à la pure bêtise des adolescents au volant, lorsque les témoins racontent dans la douleur : la perte d’un ami ou d’un proche suite à un accident automobile. D’un côté, on passe à l’histoire sordide d’une jeune gamine blonde et mignonne de huit ans, Bianca Leduc, fauchée par un jeune chauffard de dix-huit ans. La voiture la renversa de plein fouet, tandis qu’elle se trouvait sur son terrain en compagnie de sa grand-mère. Elle fut déclarée morte sur le coup. D’un autre côté, on suit le récit d’un jeune homme, Mikaël, devenu légume et quadraplégique suite à un grave accident de voiture. En somme, des histoires tragiques qui sont effroyablement crève-cœur. Elles sont aussi peinantes et misérables que les histoires tragiques des étudiants blessés à Victoriaville, lors du conflit étudiant. Le film d’Arcand est dédié à leur mémoire, démontrant que la voiture est devenue un piège d’acier pour les jeunes interviewés.

Quant au travail de documentariste de Paul Arcand, il est plutôt moyen pour concocter des entrevues aux témoins. Sa réputation d’intervieweur à la radio le précède. Il peine à rendre les gens à l’aise quand il les questionne au sujet de leur version des faits. Dans le documentaire, on constate que les témoins démontrent une certaine timidité devant lui. Le malaise d’avouer leurs fautes de jeunesse devient palpable. Les jeunes qui offrent à Arcan leur témoignage ont peur de se faire juger ou coincer par ce dernier. D’autant plus, on développe l’impression que les interviewés ont l’obligation d’avouer à Arcan leur histoire par devoir personnel. Pour d’autres jeunes, ce n’est pas le cas. C’est dû au fait qu’ils ne connaissent pas assez bien le journaliste. Arcan est connu normalement pour rudoyer les invités qui ont la «langue de bois de fonctionnaire». Néanmoins, on peut comprendre. Lorsque l’on raconte les histoires de nos erreurs de jeunesse, eh bien, ce sont loin d’être des histoires édifiantes. On est davantage confortable à raconter les erreurs de notre ami qui s’est tué, en conduisant dans un arbre. Mais nos propres erreurs ! Eh bien ! On est loin d’en être fier. Quelques témoins avaient peur de se faire coincer par leur intervieweur. Ils se referment. Fait à remarquer cependant, que si nous sommes un documentariste inconnu du grand public et vierge de réputation, nos témoins interviewés s’ouvrent à nous sans difficulté.

Un documentaire qui fait une analyse de cas sans vraiment creuser davantage les choses. Cela lui aurait donner du tonus. Le documentaire se range dans un traditionalisme “à têtes parlantes”, agissant parfaitement comme un film d’institution pour la SAAQ. Arcand réalisa un film institutionnel de la SAAQ, ni plus, ni moins. Un film institutionnel qui se veut de sensibiliser les jeunes adultes à la conduite automobile et en se révélant d’une féroce efficacité. Arcand se concentre sur la mission de sensibilisation plutôt que de produire une œuvre artistique pour un film d’auteur. La mission sociale a pris le dessus sur l’art.


7.5*/10


M.L

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