Le petit Oskar et l’Absurde


Bon, il est grand temps que je ponde un papier, à la suite de mes deux semaines chargées, afin de ne pas donner la néfaste impression d’avoir pris une retraite prématurée. Cependant, ce n’est pas grave, car en prenant de longues pauses, on a tendance à écrire plus posément, ou mieux qu’auparavant.
En revenant du cinéma, j’ai parcouru toute la gamme des émotions, tellement que ce film a été bouleversant. Quelque part, je reconnais dans le code génétique du film en question, Extremely Loud and Incredibly Close, de la forte influence du grand cinéaste belge Jaco Van Dormael. On lui reconnaît également l’influence de la grande œuvre, Toto Le Héros (1991), récipiendaire de la Caméra d’Or au Festival de Cannes, durant la même année. Mais Toto Le Héros, remporta 11 prix de cinéma, les plus divers, faisant le tour du monde en 1991. Par conséquent, Stephen Daldry, le réalisateur de The Hours, a décidé de s’imprégner du style de réalisation de Van Dormael, pour son plus récent film. Cela se produit de tel sorte que l’on observe un énorme contraste de son précédent film, The Hours, dont il a adopté un style réaliste et classique.
En ce qui concerne le film, Extremely Loud and Incredibly Close, Eric Roth a adopté la narration de Toto Le Héros, pour le transposer d’une main de maître dans son propre scénario, même si le film est issu d’une adaptation d’un roman de Jonathan Safran Foer. Daldry et Roth ont utilisé le monologue intérieur, ce que l’on attribue à Toto Le Héros, pour structurer le récit du film, en restant néanmoins dans la perception et la subjectivité du jeune Oskar Schell. Daldry et Roth reprennent également les thèmes philosophiques de Van Dormael, où le personnage central de ses films, se confronte à trouver le sens à la mort, ou un sens à la vie, parmi toute l’absurdité auquelle il doit faire face. On retrouve cette richesse exacte dans le contenu, dans le récit et dans la structure des personnages de Extremely Loud and Incredibly Close.  D’une manière concluante, l’œuvre se distingue comme étant supérieure, si on devait la comparer à d’autres films à l’affiche au moment présent. Elle n’est pas supérieure à Toto Le Héros, détrompez-vous, néanmoins, mais elle se distingue toutefois, pour être son égale.
S’il fallait lire le roman de Safran Foer, après avoir vu l’œuvre de Daldry, le livre dévoilerait probablement une plus grande richesse, qui, sans doute, a été outrepassé par le film. C’est possible, mais le film ne sert pas d’introduction au livre en soi. En le jugeant comme une œuvre à part entière, il en reste que Stephen Daldry a esquissé un tableau sublime du deuil. Une mise en scène littéralement géniale qui s’est fortement imprégnée du style de réalisation de Van Dormael.
Si on considère Forest Gump, Ali, The Horse Whisperer, et The Curious Case of Benjamin Button, Eric Roth, le scénariste, nous a signé un autre succès, plein de drame, d’effervescence et de génie, en maniant plus efficacement que Van Dormael, le monologue intérieur. On ne réalise pas à quel point c’est difficile de bien faire du monologue intérieur, même pour les auteurs d’expérience. Roth le réussit sans la moindre difficulté, sans la moindre incongruité dans le passage des scènes, que cela en est absolument extraordinaire.
Thomas Horn incarne pour moi la découverte du mois, puisque sa performance en tant que le jeune Oskar Schell, est non seulement vibrante, mais aussi pleinement magnifique. Le défaut que l’on peut trouver à Horn, c’est la rigidité pour des scènes où il démontre de la rigueur implacable pour les faits anodins des événements de la mort de son père. En dépit de tout, on outrepasse ce détail, parce que l’on croit que c’est le fond du personnage finalement. Or, le jeune Oskar est un garçon qui nous paraît étrange à première vue, parce qu’il n’est pas comme les autres enfants : il démontre une logique acérée. Un personnage difficile à incarner, parce qu’un garçon, c’est aussi irrationnel et émotif, en n’étant pas toujours logique. Enfin bref, cela reste un enfant. Si l’acteur est déjà un enfant, bien c’est un rôle qui sera pour lui, suffisamment compliqué. Thomas Horn, dans ce film, devient un personnage, dont la personnalité est similaire à une boule d’amertume renfrognée, qui n’arrive pas à passer au travers du deuil de son père. Une performance difficile, qui fut livrée avec brio par le jeune Horn.
Tom Hanks reste brillant, en incarnant le défunt père du jeune Oskar, Thomas Schell. On sympathise avec le deuil d’Oskar, puisque Hanks interprète un père quasi-idéal, en étant drôle et attendrissant. Il pousse son jeune Oskar aux multiples rigueurs de la science dès son jeune âge. Son père le fait explorer son voisinage pour apprivoiser l’autonomie, comme un scientifique. En tant que spectateur, on s’arrache le cœur face à la perte d’Oskar pour son père. Sandra Bullock nous livre une performance touchante et amère, en tant que la mère d’Oskar, dépassée par les événements.
Max Von Sydow, l’un des plus grands acteurs suédois, livre une performance magistrale, incarnant le grand-père d’Oskar, particulièrement dans l’opposition de son jeu avec le jeune Thomas Horn, ce qui procure au film, une chimie inouï. De toute sa carrière, ceci est le premier rôle où Von Sydow incarne un personnage muet. Pour parler à son petit-fils, il écrit en grosses lettres moulées dans un calepin. Von Sydow me submerge d’émotion, tout comme n’importe quel spectateur, dans ce rôle. Selon moi, Von Sydow avait le goût d’explorer des rôles différents pour sortir de l’ordinaire afin de mieux mettre à profit son talent. On n’attribue pas habituellement à Von Sydow, des rôles de personnages muets. Pour une curieuse raison, le grand-père me fit penser à Beethoven, ce dernier qui écrivait dans un cahier de notes pour discuter avec ses amis lors de sa surdité complète.
Je ne peux vraiment mettre davantage l’accent à l’endroit de la qualité du film, il faut absolument le voir. Une grande œuvre, comme cela, dans l’espace de trois ans de cinéma, il ne faut pas le manquer.
9.5*/10

(Photo -Salon.com)

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