La première oeuvre de J-P Bergeron, en proj. privée


Je reviens, pour la première fois, d’une projection privée. Plus exactement je revenais du bar, dûment nommé le Jellobar Martini Lounge, situé sur la rue Ontario, afin d’assister à la première œuvre de Jean-Pierre Bergeron, en tant que réalisateur et scénariste, Alone with Mr.Carter. Un premier film qui agit néanmoins comme la tranche du passé et de la pensée de son auteur. J’arrivai au bar, confirmant ma présence à l’hôtesse, tandis qu’elle furetait mon nom dans la large liste.

J’explorais l’antre du bar, jusqu’à en constater que le buffet préparé exclusivement de friandises et de croustilles, incarnait le repas paradisiaque d’un enfant de 8 ans. Cela concordait efficacement avec le sujet du film, la déclaration amoureuse d’un gamin de huit ans pour un vieil homme. Vers 7 heures le soir, la taverne grouillait déjà de pas mal de monde, au point que la grande famille artistique de Jean-Pierre Bergeron était là : sa grande amie Marie Tifo, ses confrères scénaristes dans sa discipline, et son producteur, notamment Danny Rossner. Des cercles d’acteurs furent de la partie, assis aux tables à banquettes, possédant les meilleures sièges du monde pour regarder la première de J-P Bergeron. Tandis que moi, bien je n’avais pas tellement cette chance, alors il a fallu que je regarde l’écran en biais, étant trop du côté droit. Comment se fait-il que j’ai pris cette place là ? Bien je regrette de m’avoir positionné ainsi, mais le seul choix laissé à moi, est que je m’assois sur le plancher pour voir le film, ce que je ne voulais point. Par conséquent, je suis resté debout, en regardant le film en biais.

Danny Rossner prit place sur la petite scène du bar et discuta assez brièvement de ses premières relations avec Jean-Pierre Bergeron, tandis qu’il interprétait un second rôle dans le film Les doigts croches. Ensuite, Bergeron prit place sur la scène afin de dévoiler ses intentions propres de réalisateur, que son premier court-métrage était un « coming-out » professionnel, tout autant que personnel. Son « coming-out » se perçoit dans l’histoire d’un jeune garçon qui déclare son amour, à un vieil homme qui déménage de son quartier, étant un voisin depuis longtemps. Sur la scène, Bergeron dévoila qu’il s’est inspiré de Huit et Demi où dans le célèbre film de Fellini, un jeune garçon tombait en amour pour une femme plus mature, et durant sa vie, Jean-Pierre Bergeron, est tombé amoureux d’un vieil homme plus mature, lorsqu’il était un garçon.

La critique
En scénarisant comme première expérience, on ne sait trop du temps nécessaire pour expliquer toute l’étendue de notre histoire. Le scénario ne doit pas avoir de trous logiques et doit nouer tous ses filons d’intrigue convenablement. Par convention, que ce soit un court ou un long-métrage, la durée devient l’ennemi juré d’un film. Avec le premier film de Bergeron, on nous laisse en suspens à propos du passé amoureux du jeune garçon, alors on ne sait trop des motifs et des raisons de son amour pour le vieil homme, parce que c’est aussi paradoxalement un court-métrage. Lorsque l’on doit faire un court-métrage, on doit se contenter d’histoires simplistes, qui commencent et qui terminent rapidement, en le dénuant d’une sérieuse gravité. Le court-métrage doit exalter en premier la capacité et les prouesses techniques de son metteur en scène, pour la réalisation. On fait un court-métrage, mais il se doit d’être impeccablement réalisé. Or dans un cas comme Alone with Mr. Carter, c’est une tranche personnelle et intime de la vie de Jean-Pierre Bergeron, et de son homosexualité lorsqu’il le vivait, étant gamin.

Le problème ici, est que Bergeron avait le concept d’un long-métrage, et vu qu’il ne peut faire immédiatement un long-métrage, il doit se contenter de synthétiser son histoire à son essentiel le plus simple pour son premier film. Il essaie d’écraser une histoire, qui prend potentiellement la durée d’un long-métrage, dans une plus petite durée. Normalement, on fait un long-métrage pour bien étoffer le récit, et de nouer conclusivement les filons d’intrigue engendrés dans un film de deux heures. Un court-métrage pour un réalisateur, doit agir comme une “carte d’affaires”. On se concentre à l’étalage de nos talents de réalisateur dans les fins de le contenir dans un petit film de deux à quinze minutes, et moins sur la cohérence d’une histoire. C’est dommage à le révéler comme cela, mais une histoire avec un début, un milieu et une fin, est sacrifiée pour quelque chose d’un peu plus expérimental. Alors, il faut épater la galerie pour démontrer nos talents dans la mise en scène. Afin d’en illustrer un exemple, Amblin’(1968), le premier court-métrage de Steven Spielberg, qu’il a fait étant universitaire au California State College, repose uniquement sur la réalisation, et non sur l’histoire, car c’est le voyage sommaire et éclectique de deux auto-stoppeurs. Le film est complètement muet, sans aucun dialogue, ayant de la musique appliquée de mur à mur. Fait remarquable, la cinématographie crispée et ensoleillée, est faite par Allen Daviau, lui-même encore étudiant universitaire. Daviau continua de produire la cinématographie des films de Spielberg, durant les années 80, tel E.T. L’extra-terrestre. Alors, Spielberg sur Amblin’,  se concentre à expliquer visuellement, en images, son histoire. Pour un court, presque moyen-métrage, il dure 24 minutes. Pour tous les apprenti-cinéastes ou étudiants en cinéma, si vous faites un court-métrage, faites un film muet, et de cette manière, cela va vous forcer à expliquer visuellement, en développant votre sens pour la mise en scène.
La fin du film nous laisse sur notre faim, parce que l’on veut savoir, quelle fut la relation entre le vieil homme Mr.Carter et John, le garçon.
Au niveau du style de réalisation, on perçoit l’inspiration, des frères Jacob et Kevin Tierney, parce que l’on voit dans la mise en scène et la cinématographie de Pierre Mignot, une émulation à l’égard du style des films Le Trostki, et French Immersion. Ce qui facilite le choix pour le style des frères Tierney, est que le film est originalement en anglais, tout comme Le Trotski. Et French Immersion est originalement en anglais et en français, malgré que son titre soit en anglais, et dû au fait que la distribution possède des acteurs Québécois francophones et anglophones. Pour French Immersion, on constate de la distance entre les deux communautés linguistiques incarnées par les acteurs, dans le rapprochement, même si ce rapprochement se produit en ayant les acteurs dans la même pièce.  Bien sûr, en cherchant à émuler un style même celui des Tierney, on retrouve le côté ludique et romanesque de Jean-Pierre Bergeron. Pierre Mignot, à son tour, nous assure une direction-photo bien léchée, malgré que sa grande force restera pour moi, l’éclairage en clair-obscur.
La performance du petit Robert Naylor, incarnant John, est rien de moins qu’éblouissante. Il a soutenu tout le film sur ses épaules, et il a excellé dans sa démarche, dû également au fait que la direction d’acteurs est magistrale. Paul Saunders complimentait agréablement le jeu du petit Robert Naylor, tout en laissant pénétrer une chimie dans sa relation entre lui-même et le jeune garçon. D’autant plus, je crois admirer encore les prochaines prestations théâtrales du petit Robert Naylor.
Somme toute, c’est une “carte d’affaires” d’un premier réalisateur, efficacement bien produite.

Après-coup

En finissant le visionnement, j’ai englouti une bouteille 40oz de Sol, à défaut de prendre ma marque favorite, Corona. J’écrivis les premières ébauches de ma critique. C’est excessivement onéreux faire du cinéma, lorsque l’on veut tout faire soi-même. Par contre, pour les étudiants en cinéma, il n’y a pas plus terrible, car on se limite à faire des court-métrages dans un budget de 20 dollars et un club sandwich. Tout le film était investit de ses propres fonds, ce que je trouve néanmoins désolant, parce que les cinéastes ne devraient pas avoir de problèmes à se trouver du financement. Or le côté positif, est que s’il investissait tout lui-même, il avait un contrôle total sur tout, la préproduction, le tournage, et la post-production.

C’est une belle première fois.

7,1*/10

(Photo: Claudia Ferri(Alone with Mr. Carter) -IMDb.com)

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