Être le « meilleur » écrivain, c’est quoi ?


If you choose to write, then declare yourself to be the best writer there is. But you’re not, unless I’m around. -Ernest Hemingway
Pour une fois, depuis longtemps même, j’arrive à pondre un billet, en m’inspirant indirectement d’Hemingway. En soi, c’est une citation qui provient du dernier film de Woody Allen, Midnight in Paris. On retrouve l’écrivain Ernest Hemingway, en tant qu’un personnage dans un film d’Allen, et interprété avec justesse par Corey Stoll. En situant l’époque du film dans les années 20 ou 30, Hemingway est un jeune homme, au début de la trentaine, se laissant enivrer de mille cocktails. Comme ivrogne, il était l’esclave des démons de son alcoolisme. D’un autre côté, on déduit également que la réplique d’Hemingway provient d’un autre génie, Woody Allen.

En revanche, la citation que j’ai choisi, provenant du scénario d’Allen, ressemble au véritable auteur, en tout point. C’est du pur Hemingway, tellement révélateur de sa personnalité. Si on décide d’écrire, il ne faut pas choisir d’être un écrivain ordinaire et banal. Sur cette position, moi et le maître, nous sommes parfaitement d’accord. Ce dernier aimait écrire dans une grande profusion, laissant un œuvre remarquable derrière lui.  Mes énormes coups de cœur furent L’adieu aux Armes, Le Vieil Homme et la Mer, Le Soleil se Lève Aussi, Les Neiges de Kilimandjaro, 50 000 dollars, et Pour qui sonne le glas. Mon intérêt pour Hemingway est récent, lorsque je me devais d’écrire des travaux universitaires, dans un style court et précis. Je me relisais, tout en essayant de resimplifier mes phrases, parce que j’écrivais pour l’école strictement pour être compris, un peu comme le journalisme. Par contre pour lui, Hemingway avait toute une philosophie derrière son style bref, empli de sous-entendu, car d’un côté, il voulait que sa prose soit « propre », dénuée de tout artifice.

Cependant, au bout du compte, qu’est-ce qui fait un bon auteur ? Est-ce le talent ou le don du style ? Ou bien, est-ce que ce serait l’excellence dans l’imagination propre de la personne, pour établir des mondes originaux, incarnant des fictions époustouflantes ? En guise de réponse concluante, il faut dire que ce sont les deux : la forme et le fond, mais c’est la forme qui va faire le fond en définitif. Si je reprends encore Hemingway en tant qu’exemple, l’excès de concision dans son style pouvait détruire l’impact émotif de ses romans.

Il était un journaliste, et écrivait ses romans, tel un journaliste. On le lisait pour ses histoires, dont le contenu était extraordinaire, et non vraiment pour son style littéraire. Par contre, son souci premier était de véhiculer son histoire le plus clairement possible, pour que ce soit compréhensible pour tout le monde. Le grand auteur, n’avait pas un style surprenant, mais sa forme était en quelque sorte, le véhicule narratif de l’histoire. Depuis l’époque d’Hemingway, les auteurs modernes se sont concentrés à écrire le moins possible, afin de sous-entendre plus. Par conséquent, on obtient des romans avec une forme aride et sèche, qui ne laisse rien à l’imagination, et un fond complètement raté dans sa structure et ses thèmes.

Il n’existe plus véritablement une poésie dans le style, mais rien qu’une sécheresse, faisant étalage de la pédanterie de l’auteur, tout autant que ses prétentions intellectuelles. C’est du vide néanmoins, puisque l’on ressent que les histoires semblent recyclées, ne possédant aucun attrait de nouveauté. Pour cette raison, la forme des romans prend le tournant drastique de l’écriture scénaristique. Une phrase équivaut à une seule action, rien de plus, et c’est très dommage puisque le style littéraire qui se respecte, doit subvenir à une certaine imagination poétique pour les mots. C’est vital, sinon, on ne pourra jamais devenir un auteur, qui serait le moindrement intéressant, et on ne discute pas nécessairement d’être le plus grand auteur vivant du siècle présent.

Bien non, on parle simplement d’écrire des romans intelligents dans le style et le contenu. Le style, pour les autres qui seraient nullement des auteurs, est comme le vin. Pour une personne, le style d’un auteur va devenir « sec », tandis qu’une autre peut lire le même auteur, et trouver que le style est « bien corsé ». Pour les auteurs, par contre, le style est une hache à double tranchant. Il nuit considérablement, comme il peut être merveilleux, ce qui insufflera de la magie dans une histoire. Un style minable anéantit un ouvrage littéraire, sans équivoque, outre le fait que le contenu peut paraître prometteur, à la première lecture. Selon mon jugement, ce sont les premiers cinquante pages. Pensez-y bien ! La forme doit être égale en qualité, que le contenu. Si cela vous décourage, rassurez-vous, car André Breton, l’écrivain des surréalistes, a proclamé ceci en égard de la littérature, et de ses maints efforts interminables :
La littérature est l’un des plus tristes chemins, pour s’exprimer.
(Photo: Corey Stoll(Ernest Hemingway) - Sony Pictures Entertainement)

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