Spielberg avec Hergé, fait du Spielberg : rien de plus

Bien oui, à la suite d’avoir été dans une assez longue file pour voir ce dernier long-métrage de Spielberg, on s’imaginait probablement qu’il ne fallait pas hausser davantage ses espoirs pour rien. Étant donné que ce fut un film qui reposait uniquement sur la technique de l’animation 3-D, et plus particulièrement en Motion Capture, on constate dans toute la merveille, de toute la beauté plastique de cet animation qui est purement parfaite, et on se sert des acteurs principaux pour mimer les visages et les corps. C’est tout ce qu’il y a dans le jeu au moment même de la pantomime. Il a fallu produire un film d’animation photo-réaliste, puisque c’est cette seule manière que l’on rend complètement justice à l’univers d’Hergé. Et lorsque l’on fait de l’animation photo-réaliste, on peut se permettre n’importe quelle folie de cascade, puisque toutes les cascades dans le film, sont exagérés en étant aux bords de l’impossible. C’est le propre du cinéma d’animation, rendre l’impossible possible, et dans ce film de Spielberg, l’animation photo-réaliste, trouve une complaisance à frôler l’impossible pour ses énormes séquences d’action, dont, en conséquence, l’image en devient extrêmement chargé.

 

Spielberg se contente d’épater la galerie, en voulant relater encore vers un nouvel auditoire d’enfants, encore des larges tintinophiles et des fans puristes, les origines de Tintin et d’Haddock. Et Spielberg le fait merveilleusement bien, sa recherche de l’incroyable, parce qu’un réalisateur tel que lui, est un magicien du cinéma qui ne connaîtra jamais d’égal. Mais pour cette adaptation-ci, on se contente seulement d’aimer les films originaux de Spielberg, sans en rajouter davantage, tels que La Liste de Schindler, Jaws, Les Aventuriers de l’Arche Perdue, Rencontres du 3e Type, E.T L’extra-terrestre, La couleur pourpre, Le parc jurassique, Munich, Duel. Là ce sont des exemples du génie de Steven Spielberg, en tant que réalisateur. Lorsqu’il était plus jeune, Spielberg était absolument un as, puisque tout ce qu’il touchait devenait magique, un peu à la manière de David Lean. Lorsque David Lean réalise un film, c’est parfaitement de la magie. Dans Les Aventures de Tintin, on retrouve encore cette magie de Spielberg, mais sa force n’est pas seulement au niveau de sa réalisation, mais aussi de ses éléments théâtraux, tout en alliant la beauté plastique des images. On exagère cette théâtralité pour l’aventure. Comme d’habitude, Spielberg misera largement sur l’excellence visuelle pour ses nombreux films, incluant celui-ci.

 

Dans cette adaptation de Spielberg, il existe une énorme fidélité à l’esprit d’Hergé, et aux fameuses Aventures de Tintin. Par contre, il n’y a pas vraiment une énorme fidélité au contenu, puisque Spielberg se réapproprie l’univers de Tintin d’Hergé, pour le refaçonner à son image. Il décide d’adapter les deux intrigues du Secret de la Licorne et du Crabe aux Pinces d’Or, pour proposer une histoire neuve, et cela ne fonctionne pas tellement. Dans l’album du Secret de la Licorne, Tintin et Haddock se connaissent déjà et dans l’autre, Le Crabe aux Pinces d’Or, ils se rencontrent mutuellement pour la première fois. Par conséquent, on sait bien que ce sont deux intrigues qui ne vont pas bien ensemble, puisque comme il est mentionné dans le précédent article, chaque album de Tintin avait sa propre cohérence et cohésion. D’autant plus, les personnages de Tintin ont été mal compris et mal cernés, surtout Haddock. Haddock, dans les albums, est un personnage très intelligent, qui agit comme un guide et comme un confident personnel pour Tintin, malgré qu’il soit alcoolique.

Dans le film, Haddock semble complètement un bouffon incapable, que cela peut horripiler n’importe qui aimant ce personnage, dont moi. On a suffisamment bien saisi Tintin, lui donnant l’attrait singulier d’être un reporter héroïque et intrépide, tout en lui gardant une unidimensionnalité. Les Dupondt sont les détectives attachants et maladroits, comme nous les connaissons tous. Dans une adaptation où on prend beaucoup de libertés envers les filons d’intrigue, on développe cette tendance à charcuter dans les intrigues principaux des albums, afin de trouver les meilleurs chemins possibles pour conter plus rapidement le récit, ce qui serait néanmoins le cas. L’intrigue principale se retrouve aussi amputé d’une profonde absurdité : le “méchant” Ivo Sarakhine, interprété par Daniel Craig aux moyens du Motion Capture, veut venger son ancêtre, le pirate Rackham le Rouge, en voulant la tête du capitaine Haddock, parce que l’ancêtre du capitaine, François de Hadoque a tué Rackham le Rouge. Et le film repose sur la motivation de ce personnage, mis à part le fait que Sarakhine veut les trois parchemins des trois maquettes afin de trouver le trésor de son ancêtre, le pirate Rackham le Rouge. C’est vraiment absurde comme motivation : un descendant qui veut venger son ancêtre, sur le dernier descendant de la famille dont on a conflit. Et on peut trouver cela tellement idiot comme ferment d’intrigue, que cela ne fonctionne pas pour personne. On n’achète pas cela assez facilement. Surtout, il n’y a pas cette absurdité là dans la bande dessinée originale de Tintin, toutefois.

 

Ce qui fut satisfaisant néanmoins, est le clin d’oeil à l'endroit d' Hergé, lorsque celui-ci apparaît au début du film comme le portraitiste de Tintin.

 

Les interprétations de Jamie Bell, Andy Serkis, et de Daniel Craig restent prodigieuses, mais la performance d’Andy Serkis reste celui qui m’aurait le plus impressionné. D’autant plus, j’aurais hâte de voir une pièce de théâtre ou un film, dont il joue lui-même véritablement de sa personne, sans faire dans la pantomime pour le Motion Capture. Selon moi, il serait grand temps de voir les véritables talents d’Andy Serkis dans un film live-action.

 

Ce qui est après tout décevant est que Spielberg a tout simplement compris l’univers visuel d’Hergé, sans nécessairement comprendre les personnages principaux, ni les intrigues propres des albums. Spielberg repose sur les seuls moyens de l’époustouflant, et rien de plus.

3.0*/5

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