L’art du débat : ma première expérience à VOXTV

Hé oui, qui l’eût cru. Jusque vers l’âge de 28 ans, à la suite d’avoir bloguer durant une année et demie, en faisant de la critique de cinéma, de la fiction, et de la chronique de tout acabit, je me suis retrouvé sur le plateau d’Ici et là. Le même plateau de télévision, où, depuis quatre ans, la grand écrivaine Nelly Arcan, dans la mi-trentaine, effectuait sa chronique musicale et littéraire. Puis, c’est mon arrivée infructueuse dans les coulisses de la télévision, où je me devais de commenter, en tant que “twiveur”, un débat culturel, dont l’ironie en quelque sorte fut le sujet des médias sociaux : sont-ils véritablement antisociaux ou non ? L’ironie, est que moi-même, je me sers des médias sociaux pour ploguer mes propres articles de blogue, et pour recevoir de l’information des gens (twitteux). Intérieurement, pour un “baptême télé”, le stress m’était grandiose, tant que j’avais peur de me gourer pour rien, ou d’être gauche pour rien, et de faire pitoyable impression devant toutes les célébrités pour rien(bah, je m’en moque de ma parfaite insolence). Finalement, j’ai opté la carte de la discrétion, et pour tout dire, cela m’a vraiment dépanné.

Lucien Francoeur, était venu dans le green room du Studio, où moi-même je fus assis sur l’un des deux grands canapés rouges écarlate, en feutre. J’étais à moitié surpris de le voir, parce que je savais encore qu’il co-animait l’émission depuis un certain temps. Je lui ai fait remarquer que j’ai gradué dans son collège : le Cégep de Rosemont, d’un D.E.C en Arts et Lettres, en 2006. Lucien me répondit qu’il ne fut probablement pas là vers cette année, probablement dû à un congé sabbatique. Il me confiait d’une façon très pénible, dans le green room, «que les étudiants se contrefoutaient en ce moment de la littérature. Ça leur passe six pieds au-dessus de la tête. Ils ne prennent même plus de notes.» En guise de réponse, intérieurement, j’étais à la fois affligé et hargneux. Ils peuvent ne pas s’intéresser au Français, dû à l’importance des lacunes qu’ils ont, dans la maîtrise de la langue. En ce moment, j’ai prélevé une belle citation de Buffon, dans une préface de 1887 de Maupassant, et j’aurais pu la donner à Lucien pour qu’il la dise à ses élèves : «Le talent n’est rien d’autre qu’une longue patience.» Alors, on travaille et on se pratique, et on devient très bon, à écrire. Cela se fait, sans que l’on s’en aperçoive. Or, autrement, si les étudiants ne s’intéressent pas à la littérature française, bien c’est leur perte, et rien de plus. Lucien trouvera éventuellement des étudiants qui adoreront la littérature, même vieille de 300 ans, et lui partageront leur sentiment. Il faut être un parfait crétin pour ne pas s’intéresser à la littérature, que l’on soit un futur médecin, ingénieur, maréchal-ferrand, ou ramoneur.

Honnêtement, je comprenais mon rôle de “twiveur”, plutôt que de “tweetspectateur”, puisque le deuxième mot est assez laid, et le premier, “twiveur”, est plus concis, et linguistiquement parlant, plus sensé. Un “tweetspectateur”, cela me procure l’impression que je suis un patron d’estrade. D’un autre côté, cela fait plutôt un néologisme presque parfait. Le fait de “twiver” est d’une simplicité désarmante : on tweet nos impressions, sur notre fil Twitter, tandis que l’on visionne l’émission (ou le débat) en question.

J’ai adoré travailler avec le monde. Tout le monde me fut incroyablement chaleureux aux techniciens, jusqu’à l’animatrice, Sophie Durocher. Je n’avais pas d’ordinateur portable, par conséquent, ils ont gracieusement installé un, à ma petite table ronde. Alors, on voit un ordinateur à mon endroit, comme pour les autres, à ma droite, que ce soit Sabrina ou Tamy. Le monde du show biz était merveilleux, gentil et professionnel, tout comme moi, or je fus simplement correct et discret, sans en rajouter davantage. En somme, ce fut une excellente première expérience, très appréciable.

Passons maintenant au débat des médias sociaux dont l’émission Ici et là en a fait issue, il commençait boîteusement et se terminait assez mal. Les débats culturels que l’on produit à la télévision, ne sont pas vraiment passionnants, et ce que j’aime le plus dans un débat, serait la passion de la conviction. C’est l’art oratoire du juriste: lorsqu’il se veut fougueux et incitatif, voulant implacablement convaincre son interlocuteur d’un argument solide, par n’importe quelle forme de réthorique.

Le débat que j’ai observé, fut plutôt celui où l’on s’empresse d’arriver à un point de concensus, motivé par une espèce de crainte de heurter ou de blesser les autres débateurs. Un débat qui se produisait entre amis, plutot qu’avec des animateurs, qui sont complètement étrangers mutuellement. Drôlement, j’occupais la place de l’étranger total pour tout le monde, puisque ce même monde me connaissait pour la première fois. On veut néanmoins être d’accord sur un point à la vitesse V, parce que l’on ne veut plus se chicaner, et le débat c’est exactement cela : de la chicane. Ce n’est pas nécessairement de la chicane dans le sens, que tout notre discours n’est rien d’autre qu’un tissu d’attaques ad hominem, mais trouvez donc tous les bons moyens pour essayer de me convaincre. Autrement, personne n’était assez pointu dans ses arguments, puisque certains points du débat, se faisaient dans le désordre.

On passait trop d’un point à l’autre, en n’ayant aucune cohésion, ce qui rendait le débat, emmerdant, puisque l’on y perdait progressivement le fil. En ce qui concerne le contenu du débat, tout ce que l’on fait, est d’égratigner des surfaces, sans vraiment rentrer en profondeur dans le vif des sujets. Ce qui est dommage, avec un débat trop consentant, est que l’on ne voit plus véritablement la divergence des points de vue. La différence des points de vue, sont les principaux ingrédients d’un débat. On dirait qu’il n’y a pas une individualité des points de vue, on ne ressent pas la personnalité propre du chroniqueur, ni son jugement, et ni son intelligence.

Pour cela, je trouve tout de même que c’est très affligeant. Quelquefois, je me dis qu’un bon chroniqueur ou débatteur, doit être avant toute chose, un très bon essayiste. Cela en est crucial, devrais-je dire. L’essai, ce n’est pas exactement du journalisme pur et dur : on développe sa subjectivité, à propos d’un sujet donné, dans un texte suivi : intro-développement-conclusion, afin de faire valoir sa propre parole, son propre style et son propre raisonnement. Pour cette raison, un très bon essayiste, est un excellent débatteur, parce qu’il va posséder le courage de ses convictions, tout autant qu’il éprouvera l’amour-propre nécessaire pour valoriser sa parole, tout en étant respectueux à l’égard des autres. Dès que l’on valorise sa propre parole, on développe n’importe quelle habileté de sophiste pour convaincre sa perception aux autres, tout comme on possède assez d’humour pour une réplique facile. C’est ce qui manque le plus dans les débats politiques et culturels, le côté implacable et acéré de l’essayiste, qui git dans le for intérieur d’un débatteur. C’est ce qui manquait également dans le débat d’Ici et là.

Cependant, et somme toute, j’ai adoré mon expérience de “twiveur”, malgré que je plains le fait, d’être insatisfait de mes propres commentaires en tweets. En retrospective, pour des messages de 140 caractères, certains d’entre eux laissaient à désirer. Alors, ce qui prouve assez bien que nul n’est parfait, finalement.

M.L

Le 23 octobre 2011

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