À la défense d'Eraserhead(1977) de David Lynch


Tout d'abord, c'est ma première défense contre une critique virulente d'un chef-d'oeuvre que j'affectionne particulièrement, Eraserhead, scénarisé et réalisé par David Lynch en 1977, son premier film produit dans la vingtaine. J'y compte bien d'en faire énormément, même si cela serait mon premier dans le genre, pour plusieurs. C'est une critique d'Emer Prevost, natif du Wisconsin aux États-Unis, un vlog réalisé dans le cadre de sa série webtélé, Reaction & Review, dont vous verrez la vidéo ici.

Ce qui m'avait principalement subjugué dans sa critique, serait le fait que pour lui, le cinéma ne devrait être seulement que du divertissement. Tout le cinéma mondial ne devrait faire que du divertissement comme le cinéma hollywoodien, ce qui n'est pas le cas et ne sera jamais le cas d'ailleurs. Ensuite, il discourait que le film ne contenait pas d'intrigue ou histoire propre et véritable, ce qui est néanmoins faux. Certes, Eraserhead est une grande oeuvre qui ne va pas nécessairement plaire à tout le monde, spécialement dans le cas de Prevost, dont l'univers et l'art de Lynch n'ont pas vraiment marqué des points sur ses sensibilités, comme critique.

Bref, je ne trouve pas cela étonnant, parce que Lynch a toujours eu des détracteurs, et même durant sa sortie de l'époque, la critique des grands journaux l'avait incendié comme étant un mauvais film. Or, le film commençait déjà à recevoir une certaine reconnaissance comme un film culte, et se mit à paraître durant des projections et des screenings de minuit, dans les théâtres de ciné-club ou des théâtres de cinéma ordinaire. Ce n'est rien que vers là, que le premier film de Lynch acquit sa notoriété, auprès de ses fans, devenus mordus de son cinéma, à tout jamais.

L'intrigue d'Eraserhead 

L'histoire d'Eraserhead, est tout de même assez facile à relater. Pour résumer, nous avons un homme qui est indifférent de la venue au monde de son premier né. Son premier né, accouche de sa femme comme étant littéralement une fausse couche. Ensuite, nous accédons à l'imaginaire du protagoniste principal Henry Spencer, interprété par Jack Nance, et ceci vers la fin du film. Henry Spencer s'incarne aussi comme le personnage avec la coiffure qui défie la loi de l'apesanteur. Encore, pour mon lecteur, ce n'est pas un film qui va nécessairement plaire à tout le monde. Nous restons dans l'imaginaire propre d'Henry Spencer, en suivant les tribulations de sa femme et de sa garde pour son enfant. Ce que l'on constate durant tout le film, est son désir de chercher mieux, et ce en mourant d'une façon complètement fortuite et bizarre, typique de Lynch, pour accéder au paradis afin de fuir sa vie terrestre.

C'est déjà en soi une histoire cohérente, il faut juste accepter l'univers de David Lynch dans lequel on patauge dedans comme spectateur. Ceci étant dit, on n'écoute jamais en soi un film de David Lynch juste pour savoir si l'histoire est bien confectionnée. Lynch avait toujours assuré la magnifique construction de ses histoires, car il les avait lui-même écrite ou co-écrite. En principe, Lynch cherche constamment à nous déstabiliser, alors les histoires sont complètement non-linéaires. On doit reconstruire en nous-mêmes comme spectateur alerte et attentif le début, le milieu et la fin de son film. Ce qu'il faut savoir, est que quelque fois, il nous montre en premier la fin du film ou son milieu. Dans le film, Lost Highway, il y a toutefois une exception à la règle, un personnage avec son histoire propre se métamorphose et devient une autre personne, avec sa propre intrigue, tout en délaissant le personnage d'avant.   

 C'est ce qui fait l'art de Lynch, il essaie de nous mettre dans le noir, et on doit reconstruire les morceaux de l'énigme. Or, ceci est un cinéma à la fois surréaliste et intellectuel, parce que c'est dans l'essor de l'intrigue que l'on intellectualise un film, qu'on le veuille ou non. En soi, Lynch avait réalisé ce film pour mieux communiquer son angoisse noir de vivre à Philadelphie, durant son temps universitaire lorsqu'il était dans les Beaux-Arts. Le film se veut proprement le véhicule de cette angoisse, devenant très palpable au cours du visionnement, et qui se portraiture dans une esthétique plus que potable.

Prevost a échoué de comprendre cela dans sa critique, lorsque l'on considère que sa façon de faire une critique, serait de faire une description de ses humeurs à l'état brut, juste vers la suite d'avoir vu le film. En soi, je ne trouve pas cela assez objectif. Moi, tout de même, je réfléchis au sujet d'une chronique et d'une critique, un jour à la suite d'avoir visionné le film, afin de laisser de la place à une réflexion.

Lynch est un artiste visuel, avant toute chose. Le cinéma est aussi un art visuel, et ne dépend pas uniquement que d'une histoire, parce que pour un vrai critique lorsqu'un film n'égale rien d'autre qu'une histoire, cela devient un vil préjugé. L'histoire est accessoire pour n'importe quel film, c'est aussi des thèmes, des messages, un style et une façon de faire. Le style devient plus important, parce que s'il n'y a pas d'images, ce n'est plus un film. On fait de la radio ou du roman.

Lorsque le dialogue ou les personnages peuvent paraître disjoints l'un vers l'autre, Lynch l'a fait expressément dans sa mise en scène pour signifier le vide qui les sépare, et aussi l'aliénation que subit Henry Spencer envers sa femme et ses beaux-parents. Le dialogue agit comme étant purement fonctionnel, tout comme dans les autres films de sa filmographie, entre les personnages. On n'assiste pas véritablement à un film d'action, où tous les lignes de dialogues doivent avoir du mordant pour chaque réplique ! Vous regardez du David Lynch, sapristi ! Il faudrait nuancer.

Le cinéma comme divertissement

Le dernier point, est souvent attribué aux passages qui m'aurait passablement interloqué, serait que pour lui le cinéma ne devrait faire que du divertissement. En soi, cela me révèle assez bien ses goûts, pour le cinéma dominant hollywoodien, qui n'est de plus qu'un cinéma de chaînes d'assemblages. Lorsque l'on aime trop un cinéma de chaînes d'assemblages, on ne saura plus trop ce qui va faire un film, bon ou non, parce que l'on ne détient pas une connaissance encyclopédique du cinéma et on ne connaît pas la pluralité des styles qui existent dans l'art.

Bref, on se borne à être crétin, et on veut à tout prix que le film soit conforme à nos goûts, sans nécessairement l'être, ce qui en serait tout à fait déplorable. Un critique ne peut vouloir qu'un film soit conforme à ses goûts pour qu'il soit bon, parce que du même côté, il ne faut jamais juger un film avec ses goûts. Juste à la révélation des goûts de Provost, on en déduit qu'il n'aimera pas plus Blue Velvet, ou Mullholland Dr, parce que finalement il est trop paresseux pour penser ou pour s'émouvoir devant du vrai cinéma.

Le vrai cinéma, c'est aussi un peu cela. Cela ne s'adresse pas au plus grand nombre, mais bien sûr, il y a des films d'auteur qui sont atrocement mal faits, mal tournés ou pauvrement écrits. Selon moi, cela devient obscène qu'un critique puisse vouloir qu'un film soit conforme à ses goûts ou au cinéma dominant, parce que si c'était le cas, on assisterait à la mort de l'auteur dans son sens véritable. Un être humain doit confectionner une bonne histoire potable dans sa structure en trois actes : début-milieu-fin, mais où ce que le bat blesse est que n'importe qui peut écrire dans cette base première, que l'auteur puisse en faire un bon ou mauvais récit.

N'importe qui aujourd'hui pourrait écrire un harlequin, et le roman romantique à l'eau de rose prendrait largement cette structure en trois actes. Merde, même mon concierge serait capable d'écrire un harlequin, même si le fait de tenir une plume dans ses mains pour en faire quelque chose ne lui a jamais traversé l'esprit. Ce que je veux dire, est qu'il faut savoir innover dans le récit, et cela ne sera jamais une mince chose à faire, et c'est ce que fait toujours Lynch.

En conclusion, il ne faudrait pas se limiter aux films hollywoodiens, essayez donc de développer votre palette artistique pour tous les futurs écrivains et artistes qui me liraient. Essayez d'innover, de cherchez mieux, en sortant des sentiers battus, en façonnant des histoires sortant largement des conventions, comme d'autres artistes qui ont été pour vous, vos prédécesseurs.

Ma cote pour ce film de Lynch.
4.5*/5


ML

Le 27 juillet 2011

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