The King of Kong : A Fistfull of Quarters(2007) – Documentaire de Seth Gordon – être créateur ou joueur ?



 Pour la première fois, lorsqu’il est question d’aborder une critique comme celle-ci, on se pose sérieusement des questions sur les enjeux sociaux et éthiques sur les protagonistes issus des documentaires. Quand on prend en exemple, le documentaire oscarisé récemment Inside Job réalisé par Charles Ferguson, on discute de l’essor probable d’une corruption dans les firmes ou des trusts banquiers et économiques, tout en voulant expliquer les causes nébuleuses et complexes d’une crise économique mondiale. Une crise financière mondiale qui affecte malencontreusement tous les pays du premier monde, qui sont complètement développés.  Bien sûr, on en fait naturellement un documentaire, parce que tout de même les crises économiques ne se font pas toutes seules. En fait, les crises sont un assortiment et un amalgame de circonstances, de facteurs, et de causes tout à fait incontrôlables. Par conséquent, lorsqu’il est question d’expliquer comment l’économie fonctionne, il faut vulgariser. Or sinon, écouter pour ne rien comprendre va sembler comme une immense perte de temps.

Or voici un documentaire qui aurait la même force d’impact que Inside Job. On discute largement plus d’éthique individuellle, au lieu d’une éthique collective de société.  The King of Kong propose très bien durant tout le déroulement de ce film, une grande problématique, au niveau de l’éthique de l’individu. Un documentaire où s’affronte deux combattants pour leur titre, immensément questionnable, du “grand joueur de jeux vidéo de tous les temps”. Lorsque l’on discute du plus grand joueur de jeux vidéo de tous les temps, c’est à partir de battre un record dans le pointage, jusqu’à ce que la machine d’arcade se détraque par un bogue dans le programme, à force d’y avoir trop joué. D’autant plus, ce n’est pas sur une console de jeux vidéo, comme la Wii, la Sega le Nintendo, ou la Xbox, que l’on remporte ce titre. Bien non! Il faut le faire sur l’un des cinq plus grands jeux vidéos de tous les temps, datant nettement des années 80: Galaga, Defender, Centipede, Donkey Kong, DK Jr, Pac-Man, Ms Pac-Man et Joust. Dans tout le film, Steven Wiebe, un professeur de sciences au niveau du secondaire, pratique jour et nuit sur une machine de jeu vidéo d’arcade à la maison, Donkey Kong et DK Jr, afin de vouloir battre le record mondial de points, sur Donkey Kong, déja préétabli par un certain Billy Mitchell, avec une somme de 850,000pts en 1982. En Novembre 1982, Billy Mitchell avait 17 ans dès qu’il a établi ce high-score mondial, et se retrouvait avec d’autres joueurs du monde entier dans une convention nommé Twin Galaxies, au New Hampshire dans un arcade FunSpot. L’événement en soi fut documenté par LIFE Magazine. Twin Galaxies est une association qui établit les records mondiaux Guinness des jeux vidéo. Billy Mitchell fut aussi connu pour avoir le “score parfait” dans le jeu vidéo Pac-Man, en allant au travers tous ses 232 niveaux, jusqu’au fameux “killscreen” de Pac-Man, qui est un écran complètement buggé de moitié dans le jeu.  

En soi, le documentaire est l’odyséee de Steven Wiebe, à travers l’obsession du high score, pour un jeu vidéo.

 

 

Problématique de la futilité  

Le vrai problème d’éthique, dont le film met effectivement en évidence, serait la question de la futilité : “Pourquoi se pratiquer sur un jeu vidéo, afin de vouloir battre un record mondial de points ? Pourquoi jouer de cette manière là, en perdant des heures et des heures lorsque l’on peut produire des choses qui sont beaucoup plus constructifs ? On pourrait faire tellement mieux que de jouer sur un jeu vidéo afin de gravir niaiseusement un record intersidéral.” Cela nous apparaît comme une énorme perte de temps, de se pratiquer durant des heures durant pendant 20 heures, juste pour essayer de battre un record mondial. Est-ce que c’est si important que cela , un record mondial dans le domaine des jeux vidéo, même ? Cela ne vaut tellement pas la peine. Personnellement, lorsque j’ai joué aux jeux vidéo classiques des années 80, tels que Pac-Man ou Galaga, après cinq minutes, j’en avais déjà ma dose et je ne voulais pas continuer davantage. À la place, ce qui comptait, était de finir le jeu au lieu d’avoir un grand nombre de points. Même durant les années 80, les jeux vidéo furent interminables et n’avaient pas de fin, alors on se préoccupait du plus grand pointage.

Ce qui me paraît le plus troublant, serait le fait que ce sont des adultes qui veulent établir des records, et non des enfants. Là maintenant, ça devient juste idiot à n’en plus finir. On peut posséder des meilleures intentions au monde, mais lorsque l’on voudrait s’éterniser sur un jeu vidéo banal pour un simple high-score, je crois bien que l’on a un grave problème de priorités.

Steven Wiebe, depuis son congédiement d’un emploi, que l’on ne sait trop encore dans ce documentaire, se pratique sans aucune fatigue et sans aucune relâche de sa machine d’arcade, Donkey Kong. Oui, il a fait installer une machine d’arcade Donkey Kong dans son garage. J’espère que cela n’a pas coûté une fortune. En sachant le record de Billy Mitchell qui serait de 850,000 pts, Wiebe se dit qu’il pourrait aisément battre le pointage de son rival.

Autrefois, on accordait un prestige incroyable aux recordmans dans le domaine du sport, tout comme les Olympiques, mais maintenant les records d’aujourd’hui, tout comme pour les records Guinness, sont liés aux fondements de la sottise humaine. Les recordmans dans le sport, qui furent des médaillés d’or, ramassaient de tout leur prestige et et de toute notre admiration, parce que faire du sport, c’est tout de même très dur.

Établir le record mondial pour le nombre de fermetures d’une même porte en une heure.

Établir le record mondial pour le nombre de sauts en pogo-stick dans l’eau.

Établir le record mondial pour être l’homme le plus laid.

Établir le record mondial pour taper avec une machine à écrire Royal, les nombres 0 jusqu’à 12 080 089, ce qui nous donne des piles et des piles de documents.

Enfin bref, les records Guiness deviennent pas mal monumentales dans la connerie humaine. Alors, espérons que les recordmans ne mourront pas de leur propre niaiserie, lorsqu’ils essayeront de confectionner le record de la plus grande balle de laine au monde.

 

 

Billy Mitchell

Le film nous trace le portrait assez véridique et vitriolique de Billy Mitchell.  Mitchell est le recordman sacré des jeux Donkey Kong, et de Pac-Man, et dans le documentaire, il est d’une excessive suffisance. Disons qu’il n’est pas vraiment son propre agent en relations publiques. Il en aurait définitivement de besoin, s’il va falloir se présenter en public afin d’arborer une pointe de modestie. Il n’a pas besoin de personne pour qu’on lui fasse un mauvais portrait, Mitchell le fait lui-même de son plein gré.

Gordon sous-entend dans la manipulation de son montage, que Mitchell considère que ses grands records mondiaux dans les jeux vidéo sont aussi comparables que d’avoir guéri le cancer du sein et la déficience cardiaque. C’est fortement irritant comme prétention, et je ne suis pas moi-même un gros gamer mordu.

D’autant plus, l’apparence de Mitchell n’a pas complètement changé depuis les années 80. Il détient encore sa longue coupe Longueuil, ce qui est encore tordant, et le plus délirant est qu’il en accorde un soin impeccable à sa coupe Longueuil.  Son visage a un peu changé, bref disons qu’il s’est amélioré.   

Plus particulièrement, il y a des citations de Mitchell qui me font levés le cœur, tout comme n’importe quel cœur de spectateur.

 Lorsqu’il dit à un collègue ou un ami d’apporter une vidéocassette VHS, afin de démontrer à des juges de Guiness, du conseil Twin Galaxies, le pointage qui va battre le score de Wiebe(parce qu’il le prouve à partir de vidéocassettes en filmant l’écran). Mitchell  lui lance ceci : « Tu peux perde ta vie, mais ne perds pas la cassette. » Intérieurement, j’ai poussé un grognement de rage, parce que c’est l’arrogance qui rejoint passablement le mépris viscéral. Si n’importe qui m’aurait dit ceci, j'aurais plutôt répondu de mon tac au tac habituel : « Heu, ton tape, tu peux te le foutre au c**,bordel. »

Mitchell, vous savez, j’espère que vous n’avez pas encore l’indécence intellectuelle afin de refuser de croire que le jeu reste un jeu, et cela ne sera uniquement qu’un jeu. 

Ce qui est bien en soi, dans le cas de Wiebe, est que le film contient une fin heureuse.

  


Le film dans son entièreté

Seth Gordon est un documentariste absolument admirable, il sait entremêler l’histoire de Steven Wiebe, avec ceux des recordmans, tels que Brian Kuh, Steven Sanders dans le domaine des jeux vidéos. En soi, c’est un documentaire passionnant sur l’histoire des jeux vidéos, en démontrant à proprement parler de la genèse des premiers jeux modernes d’arcade : Pac-Man(en 1980), Asteroids, Star Castle, Centipede,Galaga, Ms Pac-Man, Defender. J’ai toujours adoré Ms Pac-Man, un jeu génial de mon enfance.  Il procède d’une manière emplie de sous-entendus, tout en explorant le côté facétieux du cinéma-vérité tout autant que le style « têtes parlantes ». Il nous fait une histoire moderne de l’adversité, tout en le campant dans le commun des gens ordinaires et dont leur adversité se résume soit à des imbéciles, soit des incompétents.

C’est ce qui manque dans le cinéma documentaire d’aujourd’hui, voir une personne ordinaire que l’on peut s’identifier avec comme protagoniste principal, face à ses tribulations parce qu’il opère parmi des imbéciles et des incompétents. C’est un peu comme la télésérie The Office, mais en plus véridique.

Une énorme expérience, à ne pas manquer.


4.0*/5

M.L

Le 15 mars 2011

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