PIERRE FALARDEAU (2010) / Documentaire de Carmen Garcia et German Guttierez




« Après trente ans de mépris et de crachats, j’suis devenu un fou, mais
je ne suis pas devenu un fou pour rien. »-Pierre Falardeau, Le Steak

Après avoir contemplé le produit final des deux documentaristes, qui s’est écoulé entièrement dans une soixante de minutes, dont moi-même j’avais pris deux minutes de retard en pénétrant la salle silencieusement, je me suis posé la question : « Comment peut-on faire un film (même un documentaire) si moyen à propos d' un homme qui fut si exceptionnel ? » L’expérience était quand même assez affligeante, parce que j’adore Pierre Falardeau. Après Jutra, ce fut le seul au Québec qui était capable de produire du cinéma comme un dieu. Les documentaires de Falardeau, au début de sa carrière, dans un style de « guérilla-filming », étaient des films à thèse avec des partis pris tranchés. Même Le Steak, restait un film à thèse, le boxeur Gaétan Hart était quelque part l’alter ego de Falardeau. Le documentaire des deux documentaristes devient un travail traditionnel à têtes parlantes, qui a autant de consistance que d’un film diffusé sur la chaîne du Canal D. Aucune vision ou perception artistique en découle, tout simplement pour le respect favorisé pour son sujet principal.


D’autre part, ce qui peut rendre plat le film, est sa presque parfaite neutralité. On nous trace le portrait et le récit de l’homme et de l’artiste d’une manière favorable, mais en restant toutefois dans son cinéma. Tout l’aspect pamphlétaire du personnage artistique de l’indépendance au Québec, est seulement ressorti que dans son cinéma, et uniquement que son cinéma.

Au fait, le film de Gutierrez et de Garcia, est de Pierre Falardeau, LE CINÉASTE, et exclusivement le cinéaste. Nous restons strictement dans son cinéma. Ce n’est plus vraiment le journaliste débutant nous narrant ses montées de lait à propos de tout dans le ICI, ce que j’aimais beaucoup de chez lui. Pierre Falardeau, c’est largement beaucoup plus que du cinéma, il incarne l’homme complet de génie pour le Québec. Cependant, le documentaire arrive à peine à effleurer la surface de ce qu’il était vraiment. On constate dans un fin dosage minimal : sa philosophie du film, ses méthodes de création cinématographique, sa perception du Québécois, son cinéma et ses influences. C’est narré d’une manière beaucoup trop linéaire : début de sa carrière, milieu de sa carrière (vie familiale), fin de sa carrière et finalement son décès.

Cela nous donne un aplatissement de sa vie, raconté à travers des archives de télévision, où tantôt il se défend somptueusement dans la raillerie, tantôt il se livre à des entrevues candides à propos de son art, et cela dans n’importe quel âge qu’il fut.

D’autant plus, ce que j’aimais constater dans ce documentaire, est à quel point les gens qui l’opposent, proviennent directement d’une porcherie. Le sénateur Phillipe Gigantès, interviewé avec Falardeau, ne veut rien savoir de lui, tout en défendant que le film Octobre fit l’apologie du FLQ. Bref, on constate finalement que personne ne lui arrivait à la cheville. Le monde qui opposait Falardeau, était un petit monde lâche, vil, idiot et mesquin. On observe le conflit perpétuel entre lui-même et les journalistes, comme un long combat à finir, dont l'un s'évertue à détruire l'autre. Une carrière qui s’est poursuivie de manière infructueuse, mais dont l’indifférence la plus totale à son sujet, n’a jamais été au rendez-vous. On pouvait comprendre chez lui, toute la somme d’une frustration sourde qui vivait chez lui, et puis s’il voulait blesser quelqu’un, il le fit carrément. C’était un grand garçon après tout, il pouvait finir ses propres batailles.


Or, ce que les documentaristes German Guttierez et Carmen Garcia, ont réussi à dévoiler dans leur œuvre, serait le portrait d’une haine généralisée du libre-penseur au Canada. On déteste carrément n’importe quel artiste qui sort des normes et des conventions prédéfinies. Enfin, c’est ce que je trouve le plus grave, et c’est ce qui sévit toujours au Canada. De plus, au Québec, il y a tellement une banalisation de la médiocrité que cela en devient un symptôme vil. Au Québec et au Canada, il y a une sorte de haine de l’artiste. On doit assujetir l’artiste, parce qu’il ne sait, ni ne connaît rien de ce qu’il fait, comme s'il était un idiot ou enfant de deux ans. En ce moment, il n’a aucun cinéaste contemporain qui possède l’intelligence ou la plume de Falardeau, comme son grand ami et complice Julien Poulin nous le remarque : « Pierre, ton silence résonne en nous tous. »

Dans sa carrière, Falardeau laisse au cinéma mondial, cinq œuvres majeures : Elvis Gratton : Le King des Kings, Le Temps des Bouffons, Le Party, Octobre et 15 Février 1839.


3.0*/5

-M.L

Le 20 janvier 2011

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