La sociopathie chez Tchekhov (essai) – « Le Duel », un classique de la littérature russe

Depuis deux ou trois mois, je m’étais empressé de lire la fameuse nouvelle, presque roman, d’Anton Tchekhov, Le Duel. Pour une nouvelle de Tcheckhov, que ce soit l’un de ses plusieurs nouvelles dans tout l’ensemble de son œuvre qui se départage entre sa dramaturgie et ses nouvelles, elle est immensément un classique. J’adore tout ce qui fait une œuvre de Tchekhov dorénavant, si je prends en considération son style, la profondeur et la psychologie de ses personnages, et tout autant le portrait de la psychose dont on en trouve l’incarnation dans l’un des personnages principaux. En ce qui aurait trait du Duel de Tchekhov, la sociopathie s’incarne dans un seul personnage principal, parmi les trois protagonistes de base, dont l’action semble se centrer largement sur eux. Les personnages principaux sont Samoilenko, Laievski, et Von Doren. Et Von Doren est le personnage qui deviendra emblématique du portrait de la sociopathie pour Tcheckhov.

Dans son ensemble, l’intrigue est celui d’un duel entre Laievski et Von Doren. Tout le livre au complet, est en quelque sorte la progression narrative en illustrant le conflit entre ces deux russes Laievski et Von Doren, dont Von Doren est animé par une espèce d’haine et de mépris au bord de la sociopathie pour Laievski. Au début, Laievski demande de l’argent de son ami Samoilenko afin de se débarrasser d’une concubine, nommé Nadéja dont cette dernière avait fui son mari pour vivre en relation avec Laievski au préalable. Laievski déteste la relation qu’il entretient avec Nadéja. Von Doren, quant à lui, est une ancienne connaissance de Laievski, et détient pour lui une animosité sans borne. C’est une animosité qui se fait seulement par le jugement de caractère de Von Doren à l’égard de Laievski. Laievski, quant à lui, se sent trop lâche et intimidé face à Von Doren afin de lui tenir tête et de le braver. C’est la structure de nos deux antagonistes principaux, et puis il y a par la suite Samoilenko, il est l’ami et le confident des deux hommes, et comme pacificateur, il est amplement maladroit. Samoilenko ne peut procurer une aide financière à son ami Laievski, car il demande de l’argent à Von Doren dont celui-ci refuse. Samoilenko détient un rôle très passif dans le conflit des deux hommes, et lorsqu’il décide de s’en mêler, il embrouille et empire les choses. Alors, il se retire et se mêle de ses oignons. Le reste du livre est une montée progressive entre les deux hommes, dont les deux personnalités et les deux caractères agissent en véritables contrastes, l’un par rapport à l’autre. Von Doren est quelqu’un de rationnaliste et méticuleux, et très mature tandis que Laievski est quelqu’un de très littéraire et romantique, aux abords d’être un gamin immature. L’intrigue se divise en trois parties : le conflit entre les deux hommes, la préparation pour le duel et le duel lui-même comme climax final.

La structure dans l’intrigue, tout comme la structure des personnages pour cette nouvelle de Tchekhov, agit sur nous comme un travail sculpté d’orfèvre, puisque Le Duel est une œuvre tellement précise. Et cette précision persiste pendant 175 pages, et pour moi ce n’est plus tellement une nouvelle littéraire, mais quand même un novella.


Le portrait de la sociopathie

Comme lecteur, nous sommes dans la confusion et dans le brouillard afin de savoir quel est le bien fondé véritable du mépris de Von Doren, à l’égard de Laievski. On en déduit que c’est un mépris sociopathique, parce qu’on questionne les motivations haineuses de Von Doren pour Laievski. Von Doren ne détient rien d’autre qu’un mépris pour Laievski et transporte ce mépris ou même cette haine devrais-je dire, du début de la nouvelle jusqu’au duel final entre lui-même et Laievski. Von Doren n’est pas exactement un personnage sympathique, et malgré qu’il puisse s’expliquer dans son mépris, son geste de vouloir provoquer en duel Laievski, est tout aussi fou qu’imbécile.



D’autant plus, dans sa résolution finale de l’intrigue, Von Doren se promet à lui-même de ne pas tuer Laievski au cours du duel. Alors, Von Doren retourne sa veste à la toute dernière minute, et sa haine ne semble plus avoir de convictions réelles. Laievski, au dénouement du duel, est blessé presque mortellement au bras, mais il guérit promptement.

Tchekhov nous démontre la fugacité mesquine de la haine provoquée par autrui, au travers du réalisme brut de son style, et dans la structure de ses personnages. C’est une novella absolument intéressant au point de la vue de la psychologie médicale et de la psychologie de ses personnages, afin de savoir le portrait véritable de la psychose et de la sociopathie. Dans un cas comme celui-, c’est plutôt un sociopathe qui a su bien calculé ses affaires et ses choses. Ce n’est pas comme un film d’horreur/slasher comme Halloween de John Carpenter ou la série Scream de Wes Craven, où le tueur s’amuse à traquer ses victimes pour par la suite les trancher dedans comme de la viande pourrie. C’est un sociopathe méticuleux qui semble humain pour tout le monde, mais qui calcule bien ses affaires. Certes, je me demande comment se fait-il que les auteurs contemporains, tels que Patrick Sénécal, Kevin Williamson et Éric Tessier ne puissent pas prendre exemple sur Tcheckhov afin de rendre leurs personnages beaucoup plus intéressants et plus crédibles.



D’un côté finalement, si nous n’avons pas nécessairement un Tcheckhov québécois, nous avons bien entendu un Romain Gary québécois, et son nom est Robin Aubert. Aubert est un Romain Gary pour le cinéma, tout simplement pour son film A l’origine d’un cri. Aubert est un auteur absolument formidable. Un film que je viens de visionner récemment sur DVD, et tout comme Romain Gary, le film d’Aubert se démarque par sa puissance dramaturgique. Bien sûr, Aubert exorcise son histoire familiale personnelle tout comme Romain Gary le faisait avec ses romans Les cerfs-volants, et Les Racines du Ciel. Même le titre me fait tout de même penser à un roman de Romain Gary.





M.L



Le 22 avril 2011

Commentaires

  1. @femme russe

    Merci Madame, vous au moins, vous avez fait ma semaine... ;-)

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